Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. « Elles sont le sport. » dit l'entraîneur et ancien joueur de football Aimé Jacquet. Donner, partager, recevoir autant de « vertus » qui s'adaptent parfaitement à un autre acteur primordial des milieux sportif : l'argent. Sa présence ne cesse de gagner en importance et, bien que nécessaire, elle semble pourtant nuire au sport aujourd'hui.
La prépondérance de l’argent dans le sport conduit à des inégalités, que ce soit entre les différentes disciplines, ou au sein même de celles-ci. Entre les sports d’abord, les athlètes sont loin d’être sur un pied d’égalité concernant les salaires. Un handballeur professionnel de D1 touche un salaire mensuel moyen de 3000€, moins qu’un rugbyman du Top 14 qui gagne en moyenne 8000€ par mois et encore bien moins qu’un footballeur de ligue 1 dont le salaire environne les 40 000€. Et ces chiffres sont bien inférieurs à ceux des têtes d’affiche tel que le footballeur Lionel Messie dont le revenu annuel s’élève à 4 milliards de dollars en 2019, faisant de lui le sportif le mieux payé du monde. On assiste donc à une hiérarchisation des sports qui favorise plus généralement les sports collectifs que les sports individuels. Pourtant les entraînements d’un sportif sont tout aussi éprouvants d’une discipline à l’autre et l’investissement personnel tout aussi important. Ces inégalités transparaissent également au sein d’une même discipline. Certains clubs, comme celui du Real Madrid, du FC Barcelone, du Paris Saint-Germain en football ou celui des Golden States Warriors en basket disposent de moyens énormes qui leur permettent d’acheter les meilleurs joueurs pour des sommes qu’il est difficile de refuser. Le Real Madrid a ainsi encore une fois remporté la Ligue des Champions en 2018 et les Golden States Warriors sont les champions en titre de NBA. Il paraît alors injuste que les clubs jouant dans la même catégorie ne disposent pas des mêmes moyens afin de constituer leur équipe. Cet achat de joueurs comme de vulgaires objets de collection est souvent reproché à certains clubs. En les transférant ainsi d’un club à un autre pour des sommes exorbitantes, les liens tissés entre le joueur et son club, sa ville, ses supporters est rompu, tout comme celui entre le joueur et ses coéquipiers.
Comme dans toutes les professions les inégalités de salaire dans le sport se retrouve égale- ment entre hommes et femmes. Parce qu’elles sont bien moins médiatisées et reconnues, les sportives de haut niveau sont loin derrière leurs équivalents masculins et ceci toutes disciplines confondues. Aucune sportive n’apparaît dans le classement des 100 sportifs les mieux payés établit par Forbes tous les ans, et, hormis dans le tennis et le surf où les écarts sont relativement faibles, les femmes peuvent gagner jusqu’à 4 fois moins que les hommes pour la même discipline. Malgré une volonté de changement, qui a permis aux footballeuses françaises d’être particulièrement suivies et médiatisées au cours du championnat du monde en juin 2019, l’écart de revenus homme/femme dans le sport n’est pas près d’être comblé. En poussant la caricature, il serait presque plus rentable pour une sportive de devenir «femme de footballeur».
Dans de nombreux cas, les salaires des sportifs quel qu’ils soient semblent abusifs, et il faut garder en tête que le sport est initialement un divertissement qui n’a pas d’utilité publique concrète. D’autant qu’à ces salaires mirobolants s’ajoutent ceux venant de campagnes publicitaires pour un parfum, un rasoir ou une barre chocolatée.
La course à la performance dans l’espoir de rajouter un 0 au contrat pousse également certains athlètes jusqu’au dopage. Les exemples ne manquent pas, à commencer par le cycliste Lance Armstrong qui s’est vu destituer de tous ses titres depuis 1998, jusqu’à très récemment avec le dopage organisé avec complicité de l’Etat des athlètes russes à chaque compétition internationale depuis 2011. Le comité olympique russe a ainsi été exclu des Jeux Olympiques d’hiver de 2018 à PyeongChang. Cette pratique va non seulement à l’en- contre du fair-play et des valeurs du sport, mais peut également être dangereuse pour la santé des sportifs pouvant provoquer dans les cas les plus graves un cancer, une stérilité ou encore des accidents cardio-vasculaires.
Enfin, les effets pervers de la place centrale de l’argent dans le sport se retrouvent aussi à travers le développement des paris sportifs. Les sites internet de paris en ligne se multiplient et il n’est même plus nécessaire de se rendre au bar tabac du coin pour miser. Bien que cette pratique soit aussi courante qu’ancienne, elle peut entraîner des comportements de dépendance chez les supporters.
Elle touche également les joueurs avec des montants en jeu beaucoup plus importants. Le pari dérive alors en phénomène de corruption chez les sportifs. Si la performance amène une satisfaction personnelle et une reconnaissance, certains sont prêt à se contenter d’une défaite si elle rapporte plus que la victoire. « Pour combien tu perds ? ». A cette question les handballeurs Nikola et Luka Karabatic ont répondu en 2012»100 000€». C’est en effet la somme qu’ils ont touchée après avoir parié sur leur défaite avec le club Montpelliérain lors d’un match contre Cesson. Les deux hommes ont par la suite été condamnés à 4 mois de prison avec sursis et 40 000€ d’amende. Ainsi l’argent dans le sport détruit finalement les valeurs fondamentales de celui ci: le principal n’est plus de participer comme le disait Pierre de Coubertin, c’est de gagner, de l’argent de préférence et le plus possible.
Malgré tout cela il semble impossible de se passer d’argent dans le sport. Les importantes sommes investies par les sponsors permettent d’organiser des évènements sportifs spectaculaires qui rassemblent les supporters. Les retombées financières dans le sport permettent également la professionnalisation des sportifs et l’amélioration de leur environnement de formation avec du matériel de meilleur qualité ou du personnel plus qualifié. Les petits clubs et les amateurs en profitent égale- ment par ruissèlement. Le foot- ball amateur avait par exemple reçu 44,2 millions d’euros grâce aux bénéfices réalisés par l’organisation de la coupe du monde de football en France en 1998 et 37 millions grâce à celle du championnat d’Europe en 2016.
Par Lili Auriat
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