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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Battons le fer tant qu’il est chaud, révolution contre le capitalisme

Une guerre mondiale ? Une révolution internationale ? Une crise financière globale ? Une catastrophe naturelle effroyable ? Qu’est-ce qui, finalement, mettra fin au capitalisme ? Ce sera cette pandémie, cette crise sanitaire imprévisible venue de Chine. Voilà ce qui mettra fin au capitalisme. Au cours du XXe siècle, beaucoup de philosophes, penseurs ou historiens ont préféré parier sur les deux premiers scénarios, plus probables, plus adaptés à l’époque. Au début du XXIe siècle, beaucoup d’économistes, de scientifiques et de lanceurs d’alerte ont préféré parier sur les deux derniers scénarios, plus probables, plus adaptés à l’époque encore une fois. Aucun – mis à part Bill Gates – n’avait véritablement prédit que ce serait un virus qui mettrait fin au capitalisme. « Mettre en PLS l’économie mondiale, Karl Marx en a rêvé, le pangolin l’a fait » lançait Guillaume Meurice dans une interview de Society. C’est moins glamour en effet, c’est moins vendeur mais c’est la réalité. Comme quoi, on ne choisit jamais les facteurs qui font l’Histoire.


Les crises, comme celles que nous vivons aujourd’hui avec ce foutu coronavirus, ont toujours été des moments propices à la remise en cause des fondements de la société. Les crises poussent de nombreuses personnes à s’interroger sur ceux-ci, sur ce qu’est le système de production capitaliste dans lequel nous vivons et sur comment l’analyser, le remettre en cause et/ou le renverser. Marx et Engels sont ceux qui ont développé la meilleure analyse du capitalisme, la meilleure critique. Ils ont également théorisé la meilleure stratégie pour lutter contre celui-ci. Ils deviennent donc des auteurs clés pour comprendre la société capitaliste avant de fonder une société post-capitaliste.


Car à présent, il faut envisager la mort du capitalisme. Cette mort était annoncée depuis longtemps par Marx et Schumpeter. Il faut maintenant réussir à la concevoir, à accepter qu’elle ait lieu, à visualiser que ce modèle désuet d’économie est bel et bien en train de vivre ses derniers instants. Il faut faire le deuil. Cette mort du capitalisme n’est plus l'idée farfelue d’un vieux barbu communiste mais véritablement une hypothèse de plus en plus crédible et envisagée par nos gouvernants actuels – économiques donc. Ce virus pourrait en effet entraîner l’effondrement de notre civilisation industrielle et avec elle de son modèle capitaliste.


La crise du coronavirus va-t-elle donner le coup de grâce au capitalisme, déjà mis à mal par la crise environnementale ? Peut-on au contraire réformer le capitalisme et continuer à y croire ?


Petit rappel, avant de répondre à ces questions, sur ce que c’est réellement le capitalisme – vu par Marx. Tout comme Adam Smith et David Ricardo, Karl Marx considère que la valeur d’un bien se mesure à la quantité de travail fournie pour le produire. La « force de travail » des ouvriers investie dans la production de ce bien est récompensée par l’employeur avec un salaire. A l’époque de l’industrialisation, de nombreux ouvriers étaient en recherche d’emplois et la concurrence entre ces ouvriers était telle qu’ils devaient se résoudre à accepter des salaires misérables, à la limite du seuil de pauvreté. Les ouvriers n’avaient pas le choix, ils devaient accepter soit un travail mal payé, soit d’être au chômage, ce qui n’était pas payé du tout. Dans l’économie capitaliste, quand un ouvrier produit plus que la valeur du salaire qui lui est versé en récompense de son travail, l’ouvrier ne réalise pas de plus-value. Cette plus-value, appelée aussi valeur ajoutée, c’est l’employeur qui en profite. Cette notion du profit est essentielle dans le système capitaliste : sans profits, l’employeur ne ferait pas d’affaires et renoncerait à la production. Or, on sait que le profit ne peut être réalisé que grâce au travail réalisé par l’homme. L’employeur fait des profits sur ses ouvriers, sur le travail qu’ils fournissent sans être rémunérés. D’où l’analyse qui est faite de dire que le capitalisme correspond à l’exploitation des hommes, devenant eux même des marchandises. Mais aujourd’hui, en ce début d’année 2020, les hommes ne travaillent plus … il n’y a donc plus d’exploitation et plus de profits ! La machine est cassée, personne n’avait prédit que le monde aurait un jour pu être à l’arrêt d’une telle manière, que l’économie mondiale aurait pu faire une pause. « En réalité, une pandémie du format de celle d’aujourd’hui est le test fatal pour toute la logique du néolibéralisme. Elle met à l’arrêt ce que le capitalisme demande de garder constamment en mouvement frénétique. Elle rappelle surtout cette évidence qu’une société étant une entité collective, elle ne fonctionne pas sans des constructions collectives — on appelle ça usuellement des services publics » affirme l’économiste et essayiste Frédéric Lordon dans sa tribune du 24 mars dans Le Monde diplomatique : « Les connards qui nous gouvernent ». C'est donc ici et maintenant que se joue un point crucial dans la suite des évènements. Qu’allons-nous faire après ?


Il faut bien comprendre une chose : aucune solution n’est possible avec le capitalisme, car le problème, c’est le capitalisme lui-même !


Il n’y a pas de capitalisme social.


Il n’y a pas de capitalisme écologique.


Il n’y a pas de capitalisme à visage humain.


Le capitalisme correspond à l’exploitation. Exploitation des hommes, femmes et enfants. Exploitation de la nature et donc exploitation des ressources pourtant limitées. Nous ne voulons plus de ce modèle d’exploitation, nous ne voulons plus être asservis. La solution durable ne se trouve pas dans l’exploitation, elle ne se trouve jamais dans l’exploitation. L’exploitation entraîne la destruction, l’épuisement, l’anéantissement, l’assèchement, l’appauvrissement, l’affaiblissement … Sortons du prisme du capitalisme. Rappelons-nous qu’il est récent et qu’il a été instauré qu’à partir du XIXe siècle seulement. Rappelons-nous que d’autres modèles ont existé et existent. N’essayons pas de repartir avec les mêmes cartes en mains, encore et toujours, comme nous l’avons fait jusqu’à présent après chaque crise. Voyons plus loin. Pour une fois. Car, quitte à mettre en place un nouveau système, autant ne pas le faire à moitié.


Pourquoi se contenter d’une eau tiède quand on peut avoir une eau bouillante ?


Pourquoi se satisfaire du peu quand on peut avoir le tout ?


Repartons de zéro, construisons un monde nouveau mais battons le fer tant qu’il est chaud. Le capitalisme n’est plus un modèle viable, il faut arrêter de vouloir sans arrêt composer avec lui. Le futur ne se trouve pas dans le capitalisme, ce n’est pas une solution d’avenir.


« Depuis le XIXe siècle, les stratégies révolutionnaires et contre-révolutionnaires sont parties du principe que guerre signifie insurrection » explique l’historien Robert Paxton. Ainsi, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Cette idée que seule une guerre pouvait entraîner la fin du capitalisme à travers une insurrection de la population a longtemps été partagée par les théoriciens et révolutionnaires socialistes. Puis, le 16 mars 2020, notre cher président Emmanuel Macron a déclaré : « Nous sommes en guerre ». En guerre sanitaire, certes, mais une guerre quand même. De quoi relancer cette vieille stratégie révolutionnaire de l’insurrection face à la guerre. Insurgeons-nous. Ce nouvel ennemi, pour paraphraser François Hollande (cela arrive parfois), « n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et ne sera donc pas élu et pourtant il gouverne, cet ennemi c’est le monde de la finance ». Notre ennemi actuellement, ce n’est pas tant le virus lui-même que le système qui a permis qu’il se répande aussi vite. Le système qui n’avait prévu aucune solution pour parer à un tel problème. Ce système qui, à force de vouloir faire du profit sans arrêt, en a fini par transformer en entreprises les services publics et les hôpitaux, cherchant ainsi la « rentabilisation » des lits et transformant les « patients » en « clients ».


Finalement, ce virus est un espoir qui semblait perdu, une aubaine inespérée, un fantasme inavoué qui se réalise enfin après tant d’années. Ce virus a mis à mal l’économie mondiale, à montrer les problèmes liés à la mondialisation, à dévoiler au grand jour les inégalités économiques et sociales des individus dans ce système capitaliste. Mais aussi ? Il a rapproché les hommes entre eux mais il les a aussi rapproché des « sauveurs », des véritables héros, « les soldats du front » qui, eux, continuent à travailler pour notre santé et notre sécurité.


Demain, quand tout cela sera fini, il faudra repartir. Il faudra reconstruire un monde, sur de nouvelles bases. Une crise économique mondiale est en prévision. Allons-nous faire comme en 2008 ? Allons-nous nous laisser faire ?


La crise des « Subprimes » en 2008 était une crise sans précédent, dans la mesure où la grande majorité des personnes concernées (les ménages) ne comprenaient pas ce qu’il se passait, elle ne comprenait pas pourquoi les Etats renflouaient les banques qui avaient fait faillite plutôt que leurs poches, leur pouvoir d’achat. Comment une spéculation sur des biens immobiliers aux Etats-Unis pouvait-elle entraîner la déroute de l’économie mondiale ? Voilà ce qu’est le capitalisme.


Là, c’est différent. Le coronavirus n’est pas une crise financière, mais sanitaire. Il y aura des répercussions économiques, certes, mais tout à fait compréhensibles et justifiables. Cette fois-ci, les dépenses des Etats semblent absolument nécessaires.


Il faut donc inverser la célèbre phrase de Kennedy : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous. Demandez ce que vous vous pouvez faire pour votre pays ». Eh bien non, actuellement nous devons nous demander ce que l’Etat peut faire pour nous, ce que l’Etat qui nous a si mal préparé à cette crise, qui y a si mal répondu, peut faire pour nous aider et peut-être même pour se faire pardonner. Cette situation rappelle l’immédiat après-guerre, en France, quand un gouvernement provisoire a dû s’installer dès 1944. Cette situation rappelle les mesures exceptionnelles prises par ce même gouvernement provisoire, bien que fortement influencé et conseillé par le CNR. Rappelons-nous que c’est en ces temps-là que Pierre Laroque, Alexandre Parodi et Ambroise Croizat ont mis en place la Sécurité Sociale, faisant de la France une référence en matière de santé – ce qui n’est plus le cas aujourd’hui vue la gestion de la crise. Rappelons-nous que c’est en ces temps-là que des grandes nationalisations ont eu lieu pour « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques ». Retenons cela et faisons en sorte que les mesures exceptionnelles prises actuellement pour cette situation exceptionnelle deviennent des mesures durables. Gardons les mécanismes de la période de crise de manière permanente. L’Etat doit intervenir dans l’économie et ce de manière constante.


Pourquoi ne pas essayer la planification ? Planifier l’économie pour répondre comme il se doit aux besoins et aux demandes de chacun, sans tomber dans la surproduction, la surconsommation et le gaspillage. L’économie devrait être au service des hommes, et non l’inverse. L’économie devrait être un outil pour les hommes, et non l’inverse. L’économie devrait être contrôlée par les hommes, et non l’inverse.


Ce virus est une étincelle. Il met le feu aux poudres longtemps parsemées, longtemps décimés sur nos terres, nos mers et nos ciels.


Il est temps de se réveiller. Il est temps de dire haut et fort que ça ne va pas, que ça ne va plus et que cela n’est jamais allé d’ailleurs. Il est temps de protester, de manifester (de chez soi) notre mécontentement commun. Mettons en œuvre notre avenir. Mettons en œuvre notre monde futur. Bâtissons-le à note image, comme nous le voulons. L’utopie n’est pas l’irréalisable, mais l’irréalisé ! Il aura donc fallu attendre un virus pour voir le capitalisme à genoux. Il aura donc fallu attendre un virus pour voir renaître chez les humains la notion fondamentale de solidarité. Ne nous arrêtons pas là, ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Ce n’est que le début. La lutte est encore longue. La lutte finale !


Par Arthur Bauchet





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