Cela n’intéresse personne de savoir quel personnage de Disney te res-semble le plus, quelle Kardashian tu es, ou quel sera ton prochainvoyage en 2020. Cela n’intéresse personne non plus de savoir si tu escontaminé par le coronavirus ou de te voir parader sur ta story, masquechirurgical sur le nez, parodiant l’épidémie sur fond de racisme banali-sé (oui, de tels filtres existent). Pourtant, les utilisateurs d’Instagram —soit 1 milliard d’ actifs mensuels en 2019 selon Statista — continuent de poster de telles images sur leur compte. Les influenceurs en font partie.
Nouveau métier « à la mode » : les influenceurs sont partout sur ce réseau social. Cette profes- sion, souvent enviée et idéalisée, connaît pourtant de profondes disparités, comme n’importe quel secteur professionnel. On se demandait déjà comment briser le plafond de verre en politique ou dans le monde de l’entreprise. Mais comme si cela ne suffisait pas, il faut aussi le faire éclater sur les réseaux sociaux.
Dans la dernière newsletter économique des Glorieuses – newsletter féministe fondée par Rebecca Amsellem – la journaliste Arièle Bonte évoque le patriarcat financier sur les réseaux sociaux. Elle cite une étude menée par Klear l’année dernière auprès de 2500 influenceurs et influenceuses. Cette étude montre que les femmes facturent des montants moins importants que leurs homologues masculins et demandent en moyenne 351 dollars par post, contre 459 pour les hommes, soit 23% de moins. Mais pourquoi cela ?
Trop nombreuses sur la plate- forme et victimes d’une compétition rude, certaines bradent leur image à un prix plus faible. Or, le prix d’une publication ne devrait pas dépendre du genre de celui ou celle qui la poste. Un source : @mrsdowjonescritère devrait prévaloir pour l’évaluer : la popularité. D’autres se mobilisent pour un problème sociétal, comme l’environnement ou le féminisme, et se retrouvent face à des réactions étonnantes. Souvent, on leur conseille de travailler gratuitement, prenant pour prétexte la nature de leurs engagements, comme si défendre une cause sur les réseaux et vouloir en faire son métier semblait inimaginable alors que d’autres sont payés à tweeter et provoquer des conflits par fierté.
Dès lors, Instagram s’est érigé en outil de lutte et d’émancipation contre le patriarcat financier. Ce dernier, omniprésent, est contesté à travers des comptes comme @mrsdowjones où défilent des memes sur le monde de l’argent et du travail. Le hashtag #debt- freejourney retrace quant à lui les inégalités financières dont sont victimes les femmes et par- ticulièrement les femmes racisées. Pour les réfractaires aux réseaux sociaux, la lutte pour l’émancipation des femmes qui s’y déploie pourrait leur faire changer d’avis. Comment aurait évolué la parole des femmes sans #MeToo ? Comment des infor- mations importantes concernant l’affranchissement du patriarcat seraient-elles relayées ? Comment les combats pour une meilleure visibilité seraient-ils mis en valeur autrement ? Les réseaux sociaux s’imposent aujourd’hui comme le lieu privilégié où des femmes de toute origine défendent leurs idées.
Avant de briser intégralement le plafond de verre, il faudrait d’abord que le gouvernement ouvre une brèche aux femmes dans la sphère financière. Rappelons-le, les 22 hommes les plus fortunés du monde pos- sèdent, à eux seuls, plus de richesse que toutes les femmes en Afrique. On peut ici faire le lien avec le capitalisme qui résulte du patriarcat. Il est donc nécessaire pour les femmes de prendre part au combat contre ce capitalisme et de faire de l’argent un outil d’émancipation.
Nos sociétés promeuvent des valeurs comme l’égalité et la fraternité mais derrière celles-ci se cache une réalité sociale trop peu écoutée. L’égalité n’existe pas. La fraternité n’inclut pas les femmes. Seules l’équité et l’union des genres permettront de rendre visibles des problèmes, réduits au silence, que dissimulent l’argent. Ce sont ces mêmes valeurs qui mettront fin au patriarcat financier et ne feront plus de l’argent une nécessité pour les femmes mais une arme.
Déclarée « grande cause du quinquennat » par le Président de la République, l’égalité professionnelle et financière entre les femmes et les hommes n’est pas atteinte et peu de lois ont été mises en place en leur fa- veur depuis 2017. Nous pourrions rappeler la loi de la parité, mais un nouveau débat en résulterait quant à son efficacité et sa pertinence. Cependant, les droits des femmes se retrouvent encore volés : plutôt que de faire des réformes pour lutter contre les féminicides, le gouvernement français préfère réformer les retraites rendant la place de la femme à nouveau plus précaire que jamais.
Par Juliana Bitton
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