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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

La charge mentale, une violence psychologique silencieuse - Amandine Grimaldi Santini

Dernière mise à jour : 10 nov. 2020

Alors que l’Assemblée nationale a voté ce vendredi 23 octobre 2020 un allongement du congé paternité de 14 à 28 jours, dont 7 obligatoires, la question de la charge mentale reste encore et toujours d’actualité. En effet, le projet de loi vise à ce que les pères puissent être plus impliqués dans les premières semaines de vie de leur enfant, mais également à décharger les mères de l’immense charge mentale qui pèse sur elles. Mais concrètement, qu’est-ce que la charge mentale ? Et est-ce une forme de violence psychologique ?


Envisager le concept de charge mentale sous le prisme de la violence peut parfois prêter à sourire, malgré le caractère grave du phénomène. « C’est désagréable mais c’est loin d’être une violence » m’a récemment rétorqué une de mes connaissances masculines alors que je lui faisais part du sujet. Cet avis est malheureusement loin d’être isolé. En pratique, la charge mentale repose en grande majorité sur les épaules des femmes au sein du foyer, en témoignent les nombreux récits sur le compte Instagram @taspensea. Toutefois, elle ne se limite pas seulement aux femmes, mais concerne aussi, dans une moindre mesure, les hommes, et les parents de familles mono-parentales. Selon un sondage de l’Ipsos de 2018, huit femmes françaises sur dix se disent concernées par la charge mentale. En effet, ce sont elles qui sont en majorité responsables du bon fonctionnement du foyer et effectuent 71% des tâches ménagères. La charge mentale peut-être définie comme le fait de devoir penser simultanément à des choses appartenants à deux mondes séparés physiquement, pour reprendre la  définition donnée en 1984 par Monique Haicault. La charge mentale a de nombreuses conséquences qui permettent de la caractériser comme étant une violence psychologique, mais également sexiste.

Tout d’abord la charge mentale a des conséquences sur la santé mentale de celui ou celle qui en fait les frais. Elle peut mener à de l’anxiété, à la dépression et même au burn out. Ces troubles de la santé mentale sont engendrés par la pression qui pèse sur les épaules de celles qui s’érigent en moteur de la famille. A cette pression et aux nombreuses tâches, s’ajoute le silence reçu par leur partenaire, le fameux « fallait me le dire », sans chercher à creuser afin de comprendre les causes profondes du mal être qui finit forcément par s’exprimer. La charge mentale, c’est aussi ça. C’est devoir rappeler à son partenaire les choses à faire, sans que celui-ci prenne conscience de la part de responsabilité qu’il détient aussi dans la définition et de la planification des tâches. C’est cette claque qui provient de la réalisation que même dans un temps de détente, une femme est très souvent accaparée par la multitude de choses auxquelles il faut qu’elle pense pour la gestion du foyer. 


Une autre preuve du caractère violent de la charge mentale au niveau psychologique est le fait qu’elle est handicapante et paralysante. Une personne qui se trouve dans une relation où la charge mentale n’est pas partagée entre les partenaires manque de temps pour tout faire et penser à tout. A force de devoir conjuguer vie de famille et vie professionnelle, vie amoureuse et vie sociale, c’est très souvent le temps pour soi qui en pâtit, ainsi que la socialisation amicale. Ainsi, la charge mentale isole et affaiblit celui ou celle qui la subit. Cette violence psychologique a également des conséquences dans le domaine professionnel, puisque la charge mentale peut être instaurée par l’employeur. Elle mène aux mêmes conséquences que la charge mentale domestique et les deux se chevauchent à de multiples occasions.


Une chose est sûre, le confinement n’a pas fait avancer la situation, bien au contraire. Malgré de nombreux couples où les deux partenaires ont fait du télétravail, la pression relative à la gestion du foyer a continué de reposer sur les femmes. Pression à laquelle il a fallu ajouter celle de gérer les enfants et les cours en ligne, le stock de masques, les courses et maintenir le moral des troupes. La charge mentale connue pendant le confinement, et plus largement depuis le début de la pandémie, a encore plus été vécue comme une violence psychologique par les concernés que d’habitude. De plus, la violence psychologique associée à la charge mentale peut aussi mener à de la violence physique et des abus émotionnels de la part des partenaires.

Afin de remédier à la charge mentale, il faut qu’un changement s’opère dans les mentalités. En effet, il faut effectuer une distinction entre la répartition des tâches ménagères et celle de la charge mentale. Même avec des tâches ménagères réparties, la charge mentale ne disparaît pas. Pourquoi ? Car la responsabilité de déterminer les choses à faire et le stress qui l’accompagne, incombe encore et toujours aux femmes.  Le partenaire qui effectue la tâche n’est donc pas dans un rôle aussi actif ou stressant. La violence psychologique qui accompagne la charge mentale ne pourra être éliminée qui si un dialogue honnête et ouvert s’instaure. Il est donc plus que nécessaire d’entamer une conversation sociétale autour de la charge mentale qui pèse sur les femmes, et plus généralement sur les parents seuls. A l’aube d’un second confinement, il y a pourtant malheureusement fort à parier que la violence psychologique qu’est la charge mentale ait encore de beaux jours devant elle.


Amandine Grimaldi Santini



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