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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Le sport : une violence légitimée et canalisatrice ? - Luana Le Stir

Dernière mise à jour : 10 nov. 2020

« Oh con d’arbitre, moi je te dis qu’il était en règle ce plaquage ! Allez la danseuse relève toi, c’était pas si violent ». Mais malgré les huées, le joueur au sol ne se relève pas et finit par sortir en urgence sur un brancard. Le combat s’arrête quelques instants, les regards se détournent du supporter turbulent pour se poser sur le vrai juge du terrain. L’arbitre tranche, ce sera carton rouge pour l’autre équipe, ainsi qu’un regard noir aux spectateurs injurieux. Là est toute la légitimité de la violence dans le sport : son encadrement.


Si au sein de la vie quotidienne, la violence physique – comme morale - est réprimée par tout un système social créé pour la rendre impossible ; lorsqu’elle se développe dans un stade ou sur un ring, elle devient autorité et même célébrée. Dans quel autre espace social est-il toléré de vociférer, injurier et/ou menacer un représentant de « l’ordre », fût-il seulement un arbitre ? Dans quel autre espace serait-il possible de faire tomber un homme à terre d’une droite dans le menton, et de se faire récompenser pour cela ? Le terrain sportif est en ce sens un lieu privilégié de nos sociétés. Chacun peut y exprimer sa passion, son désespoir, sa ferveur, son mécontentement ; s’en libérer, et ce, quasiment en toute impunité.

Revenons un peu en arrière. Le premier rapprochement entre sport et violence remonte probablement à l’apparition des arts martiaux. Ces derniers, dont le nom s’inspire du dieu de la guerre chez les romains (Mars) avaient une vraie dimension guerrière et destructrice. Cependant, à l’époque, ils n’étaient pas encore considérés comme du « sport » à proprement parlé. En effet, l’expression même de sport est née au XIXe siècle dans les public schools britanniques. Dès l’origine, cette notion vise à réguler les excès puisqu’elle correspond à la codification de jeux qui existaient déjà, notamment le football, dans l’objectif de réduire l’agressivité entre les élèves et de leur apprendre morale et discipline.


Dans un stade, la violence a ainsi le même statut que Loktar dans les pyramides : « elle est tolérée ici, tolérée ». En effet, dans le sport il ne faut pas confondre l’acte agressif, qui est un comportement qui fait partie des normes, et l’acte violent illégitime, qui lui va transgresser les règles. On dira que, sont considérés comme violents, tous les actes qui vont transgresser les règles de conduite, et qui ont causé un dommage à autrui. Cette violence illégitime va être sanctionnée par l’arbitre qui va exercer lui une violence légitime. Si l’on reprend l’exemple du rugby, un joueur qui va plaquer un autre joueur et lui causer un ou plusieurs dommages physiques ne sera pas sanctionné tant qu’il reste dans les règles. Dès qu’il dépassera les bornes et que l’arbitre considérera que le mouvement est « imprudent ou dangereux pour autrui » (selon la charte 2020 du World Rugby), le joueur sera sanctionné.


Par conséquent, tant que l’on reste dans le cadre imposé par les règles, le sport peut devenir un moyen idéal pour extérioriser et canaliser la violence de la société. Pour beaucoup, la pratique sportive est vue comme un exutoire, un moyen d’évacuer l’agressivité que l’on ne pourrait pas exprimer ailleurs au sein de la société. Par exemple, des sports comme le football ou la boxe en milieu carcéral sont reconnus comme étant une pratique indispensable au bon fonctionnement de l’organisation. Ils apportent aux détenus un défoulement et une occupation, mais permettent également de canaliser les tensions environnantes et représentent donc l’assurance pour l’administration d’une paix sociale négociée dans les murs. Mais il s’agit d’être prudent, car le sport peut rapidement dévier de son aspect canalisateur et devenir catalyseur, créateur de violence.

  Cependant, s’il est certain que - comme tout lieu de la société - le terrain de sport n’est pas exempte de mouvements de violence non-encadrés, il ne faut pas pour autant réduire les sports les plus virulents à de simples défouloirs ou à une pratique qui vient sublimer l'agressivité. Au contraire, le sport porte en lui un certain nombre de valeurs, notamment celle du respect, de la tolérance ou encore de la solidarité. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas rare pour deux joueurs de s’affronter durant 90 minutes en mettant tout leur cœur dans l'affrontement, puis de se retrouver en rigolant autour d’une bière lors de la 3eme mi-temps.


Ainsi, si pour beaucoup les sports les plus violents sont considérés comme des pratiques bourines et irréfléchies, la réalité est beaucoup plus subtile. L’extériorisation de la violence via la pratique sportive s’accompagne d’une vraie réflexion tactique, et permet à la fois de se défouler physiquement et mentalement. Cette canalisation de l’agressivité permet alors d’évoluer dans une société plus saine et de contrebalancer le stress quotidien qui caractérise notre société moderne.


Luana Le Stir



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