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Photo du rédacteurAlbert Controverses

PORTRAIT DU MOIS : Penser L'après Covid-19 avec Jean Viard, l’impact sociétal

« C’était moins bien avant, mais la question c’est comment va être mieux demain ? »


Par cette phrase Jean Viard conclut son webinaire organisé par le groupe « Penser l’après » sur l’impact sociétal du COVID19. Ce chercheur au CNRS, ancien enseignant au sein de notre belle maison, se décrit comme un sociologue ex-baba cool et cherche à comprendre les changements de la société. Lors de la conférence du 15 avril, il s’est penché sur l’impact sociétal que pourrait avoir le coronavirus une fois l’épidémie passée.


Ce virus est un évènement historique. En effet, pour l’instant ce virus nous touche tous directement. Il concerne 4 milliards de personnes, confinées en même temps et il est vécu simultanément à l’échelle planétaire. Or, comme tout évènement de cette ampleur, il ne sera réellement compris qu’après, quand on pourra le raconter, le construire suite à une analyse rétrospective.


De plus, il est bien différent des autres évènements de ce type qu’a pu connaître la planète. Tout d’abord, si précédemment une épidémie de peste mettait dix ans à se répandre dans le monde et tuait en moyenne 50% de la population, aujourd’hui on a la force de coopérer et de se battre pour qu’il y ait moins de morts. Ensuite, cette « guerre », comme l’a rappelé le Président dans son discours, est fortement influencée par l’interconnexion croissante du monde. En effet, on est passé de guerres avec des millions de soldats, à des attaques par des groupes plus restreint ; et aujourd’hui on parle d’un désastre mondial causé par la rencontre inopinée d’une chauve-souris, d’un pangolin et d’un chinois.


Une pandémie à répercussion mondiale


Cette épidémie forme ainsi un traumatisme mondial et inédit. En effet, si la nature de l’effet qu’il provoquera dans la société future sera comparable à celui de mai 68, il sera également plus violent. Dans le cas du COVID19, les ruptures seront plus fortes car on est confronté à l’idée de la mort de manière directe (famille ou figures qui disparaissent). Cela touche une part importante de la population mondiale, ce qui met en lumière la hausse des problèmes sociétaux. Ce mouvement va prendre des dimensions mondiales extraordinaires. C’est ainsi la première fois que l’économie du monde est mise sur pause de manière volontaire. En temps de guerre « traditionnelle », l’économie était volontairement ralentie, voire stoppée. Cette fois-ci, la majorité des pays (laissant de côté les fous-furieux comme Trump ou Bolsonaro) ont choisi de faire passer la vie avant l’économie ; et cela sans savoir comment la remettre en route après. On a arrêté le monde pour mieux le sauver.


Ainsi, des milliards de personnes se sont retrouvées coincées chez eux, seules ou en famille, pour plusieurs longues semaines. Or si pour certains cela a été le déclencheur d’un mouvement positif de solidarité et de renforcement des valeurs familiales, il va falloir donner du sens à cette catastrophe, pour éviter que des extrémistes imposent une vision négative qui entrainerait une montée du nationalisme (fermetures des frontières économiques, sociales, territoriales) et de l’égoïsme (stock, guerre diplomatique pour les masques, délation). Si pour l’instant, ils ont réussi à créer un nouveau sens commun qui est celui de survivre à cette l’épidémie, cela ne va pas suffire. Il va falloir qu’il ait des changements marquants au sein de la société pour « excuser » la pandémie, qui n’a rien de réellement exceptionnel en elle-même, quand on rappelle que la majorité des pandémies récentes, hormis le SIDA, viennent de Chine.


Quels bouleversements pour le futur ?


Il est donc certain que cet évènement aura un impact sur la société future. Tout d’abord, ce virus nous rappelle bien que l’on est une espèce parmi les autres. Si aujourd’hui on vit 20 ans de plus qu’il y a un siècle, cette nouvelle espérance de vie a été mal développée. Il faut essayer de remettre en place les équilibres qui ont été brisés. Pour cela, il va falloir inventer une nouvelle manière de cohabiter avec la nature et avec le numérique, qui prendra plus de place dans notre quotidien et pour laquelle une vraie autorité de contrôle va devoir être créée.


Il faut retrouver un équilibre des revenus plus proche de celui défini dans la Constitution, c’est-à-dire payer les gens selon leur utilité. Or, en temps de guerre et en temps de paix, ces personnes diffèrent. Il faut essayer de restaurer les équilibres qui ont été brisés. Ces équilibres salariaux doivent également se ressentir au niveau de la répartition des logements. En effet, les gens qui font tourner la ville doivent trouver un moyen d’habiter dans la ville, quand ceux qui peuvent travailler de chez eux ou d’en bas de chez eux ne devraient pas être placés en priorité dans le centre-ville, même s’ils ont de quoi payer un plus gros loyer. En effet, Jean Viard pense que la réussite du télétravail pourrait amener à un développement des espaces de co-working, en dehors des centres-villes. Il y aurait donc un bouleversement de la géographie de la ville entrainé par un rééquilibrage salarial.


Enfin, le problème le plus frappant actuellement est celui de la gestion des hôpitaux. Ils ont réussi à gérer la crise parce qu’ils ont arrêté de rendre des comptes à un gestionnaires et qui ont cherchés des solutions hors des rails administratifs, dans l’urgence. Au fond, quand les gens s’auto-organisent, on avance plus vite que dans la société bureaucratique actuelle, ce qui renvoie donc à la question de l’utilité et de l’efficacité de cette dernière. En effet, notre interdépendance générale rend chaque mouvement difficile, lent. Il est nécessaire de réduire la bureaucratie étatique, car l’augmentation croissante du nombre de fonctionnaires enraye les rouages administratifs et ralentit le processus de décision. Il faut faire du tri dans les « bullshit job » comme le décrit D. Graebner dans son livre du même nom, pour créer un nouveau système plus léger, plus alerte. Dans le cas des hôpitaux, une solution serait d’en donner la gestion aux régions plutôt qu’à l’état, comme ce fut le cas des lycées qui sont depuis en bien meilleur état, et comme c’est le cas en Allemagne.


Pour finir, l’objectif - une fois le virus vaincu - sera de reconstruire une nouvelle société qui aura appris de ses erreurs, et non pas reprendre notre ancien mode de vie. Et cela se fera notamment au niveau économique où il faudra rembourser les nombreuses compensations de l’Etat en augmentant les charges chez 2 générations : les retraités et la nouvelle génération (qui rentrera juste sur le marché du travail). Mais il faudra faire ça intelligemment, de manière à construire un système de long terme qui s’intègre dans la pensée de la COP21. Dans ce cas uniquement, cette hausse des impôts sera assimilée comme un investissement qui permettra au final une croissance et qui sera donc amorti. Ainsi, par exemple, en augmentant le télétravail (2 jours / 5) cela diminuera certainement es salaires mais également la solution de déplacement, et une fois cet exemple parfaitement intégré les salaires repartiront à la hausse.

Pour conclure, cette épidémie va être à l’origine de nombreuses transformations de notre société et de nombreuses questions restent encore en suspens. Comment gérer le problème du marché du travail pour la nouvelle génération ? La crise économique ? Allons-nous revenir à notre ancien mode de consommation ? Toutes ces questions auxquelles Jean Viard n’a pu apporter que des pistes de réponse qui restent à completer par d’autres chercheurs ou tout simplement par le temps.



Par Luana Le Stir




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