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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Attentats contre Charlie Hebdo, l’affaire Mila ou comment de simples critiques ruinent des vies

Dernière mise à jour : 24 oct. 2020

Pour commencer rappelons les faits de l’attentat contre le journal Charlie Hebdo et du harcèlement de masse contre la lycéenne Mila.

En 2006, Charlie Hebdo publie 12 caricatures de Mahomet réalisées l’année précédente par le journal danois Jyllands-Poster.

Le dessinateur Cabu y ajoute sa propre caricature de Mahomet à qui il fait dire : « C’est dur d’être aimé par des cons ». Le titre du dessin est : «Mahomet débordé par les intégristes ». Il faut noter que ce dessin fait bien la distinction entre les musulmans intégristes, qu’il qualifie de « cons », et les musulmans tout court. Le prophète est donc représenté comme quelqu’un qui ne supporte pas les extrémistes.

Cela n’empêchera pas au journal Charlie Hebdo d’être pointé du doigt. Plusieurs organisations islamistes intentent un procès au journal, qu’elles finiront par perdre.

Pendant ce temps-là, au Danemark, les auteurs des caricatures sont menacés de mort. Charlie Hebdo est alors soutenu par un texte signé par Philippe Val et Caroline Fourest, qui dénonce l’islamisme (et non l’islam) comme un totalitarisme religieux et une menace contre la démocratie, comme ont pu l’être le fascisme, le nazisme ou le stalinisme. La Ligue des droits de l’homme condamne fermement ce texte qu’elle accuse de diaboliser l’islam. En 2011, suite à la victoire du parti islamiste Ennahdha en Tunisie, Charlie Hebdo publie un numéro spécial intitulé « Charia Hebdo » représentant à nouveau le prophète Mahomet. La nuit même de la parution de ce hors-série, les locaux de Charlie Hebdo sont la cible d’un incendie criminel. L’année suivante, Charlie Hebdo crée une vive polémique en publiant des caricatures de Mahomet dans un contexte d’émeutes dans le monde musulman suite à la diffusion d’une vidéo anti-islam. Le journal est alors unanimement condamné en France, que ce soit par les hommes politiques ou par les instances religieuses, musulmane et juive.

Et puis, il y a maintenant presque 6 ans, le 7 Janvier 2015, l’équipe de Charlie Hebdo a été victime d’un attentat terroristes qui a fait 12 victimes, commis par les frères Kouachi. A ce moment-là, toute la classe politique et médiatique s’est mise à soutenir le journal, du jour au

lendemain, et pour très peu de temps, mais quand même. Quand il y a des morts, on change de bord. Que ce procès qui se déroule actuellement soit un moyen de se rappeler qu’en matière de terrorisme, il y a bien sûr ceux qui assassinent, mais aussi ceux qui leur préparent le terrain, qui en parlant de racisme et d’islamophobie sans arrêts, accrochent une cible au dos d’hommes libres, dans l’espoir qu’on les fasse taire pour de bon …

En Janvier 2020, Mila, une jeune fille de 16 ans, fait une critique très virulente de l’islam sur les réseaux sociaux, dans une diffusion en direct sur Instagram. Je la cite: « Je rejette toutes les religions […] Le Coran il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde ».

Cette critique a lieu alors qu’elle vient de refuser les avances d’internautes d’origines

maghrébines, qui l’ont par la suite insultée de « sale lesbienne », « raciste » ou encore de « sale française ». Sa vidéo critique de l’islam devient viral et Mila devient l’objet d’insultes, elle reçoit un nombre incalculable d’insultes homophobes et misogynes, énormément d’appels à la violence et des menaces de morts et de viols, dans une proportion presque

jamais vu auparavant. Ses informations personnelles sont dévoilées, son nom et prénom, son lycée et même son adresse, elle doit donc se faire déscolariser pour entrer dans un internat sécurisé. Une procédure judiciaire engagée contre elle pour « incitation à la haine » a vite été classée « sans suite », car elle n’avait rien dit qui tombe sous le coup de la loi française. Mila dira lors de son interview dans Quotidien qu’elle « n’a jamais voulu viser des êtres humains, j’ai seulement voulu blasphémer, j’ai voulu parler d’une religion, dire ce que j’en pensais ».


En Juillet 2020, elle aura reçu au total 30 000 menaces de mort en 6 mois, sans compter tous les appels à la violence et les insultes de tous types. Depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la liberté d’expression dans la presse française est totale, y compris le droit au blasphème. Ce qu’illustre l’affaire Mila et l’attentat contre Charlie Hebdo, c’est qu’une partie de la population française n’est pas d’accord avec cette liberté. Selon un sondage Ifop, 79 % de l’ensemble de la population française serait opposée à un procès contre le journal Charlie Hebdo. Contre seulement 34 % des musulmans français. Et si l'on veut un procès, c'est aussi parce que l'on attend que la justice sanctionne l'accusé, sinon il paraîtrait incohérent de vouloir un procès dans un premier temps. On peut donc interpréter que 2/3 des musulmans français seraient favorables à des sanctions contre Charlie Hebdo, pour avoir publié des caricatures du prophète Mahomet.


Il est urgent de prendre ce genre de chiffres au sérieux si l’on ne veut pas que des instances religieuses fassent pression sur la justice comme cela a pu être le cas au Pakistan pour Asia Bibi en 2014, qui a échappé de peu à la peine de mort pour blasphème. Asia Bibi est une pakistanaise chrétienne qui a eu le malheur de boire dans une fontaine réservée aux musulmans en 2009. Elle a été condamnée à mort pour blasphème en 2010. La pression mise sur le système judiciaire pakistanais par les extrémistes religieux était énorme, beaucoup de magistrats et de gouverneurs, chrétiens ou non, défendant Asia Bibi ont été assassinés. Après avoir fait appel, la peine de mort est confirmée en 2014, mais elle a été relaxée en 2019 soit 10 ans après les faits, grâce à la pression d'ONG internationales. Il est urgent de prendre ce genre de chiffres et d’affaires au sérieux si l’on ne veut pas que justice populaire et islamique il y ait, et que pour chaque critique faite il y ait des extrémistes islamistes qui décident de « venger Allah et son prophète Mahomet » comme ont pu le faire les frères Kouachi.


Il y a alors un malaise en France, d’un côté : 59 % de l’ensemble des français qui affirment que les journaux ont eu raison de publier les caricatures du prophète Mahomet au nom de la

liberté d’expression (contre 19 % des musulmans français) et de l’autre : 40 % des musulmans français qui déclarent eux-mêmes que : « L’islam est incompatible avec les valeurs de la société française ». Sachant qu’il y a 8 millions de musulmans en France (estimation de Jean-Paul Gourévitch en fin 2011 selon 3 méthodes différentes) dont 3,6 millions de pratiquants réguliers selon l’INSEE (les chiffres étant obsolètes, nous pouvons

rehausser ces chiffres) ces 40 % représentent donc en réalité entre 1,4 et 3,6 millions de personnes, selon que l'on prenne le nombre de musulmans français au total ou seulement les pratiquants réguliers, qui vivent sur le territoire français et qui pensent que leur religion est incompatible avec les valeurs de la société française, c’est énorme comme ordre de grandeur.

Qu’en est-il de la liberté d’expression aujourd’hui en France ? De jure, toute critique qui n’est ni incitation à la haine, ni de la diffamation, qui reste dans les lois françaises en somme,

est possible. De facto, une critique religieuse en France est très risquée voire dangereuse, comme le montre les exemples cités dans cet article, l’affaire Mila et l’attentat contre Charlie

Hebdo. Combien d’autres affaires de harcèlement de masse ou d’attentat contre les libres penseurs devrons-nous subir pour en identifier les causes et prendre des mesures ? Ou préférons-nous nous plier aux exigences de terroristes et de harceleurs ? Qu’en sera-t-il de la liberté d’expression demain ?

Je vous laisse vous faire votre propre opinion.

Protégez aujourd’hui votre droit de dire tout ce que vous pensez, demain vous ne le pourrez

plus.


Fahim Bounoua


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