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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Dieu est assez grand pour se défendre tout seul

Dernière mise à jour : 7 nov. 2020

C’est cinq ans après les évènements qu’ont commencé mardi 2 septembre les procès des attentats contre l’hebdomadaires Charlie Hebdo, la policière Clarissa Jean-Philippe et le supermarché Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Si Saïd et Chérif Kouachi ainsi qu’Amedy Coulibaly, les auteurs des attentats ont été abattus à l’époque, ce sont aujourd’hui les personnes accusées de soutien logistique qui sont traduits en justice. Toutes les autres investigations complémentaires sur le séjour au Yémen d’un des frères Kouachi en 2011 sont disjointes de cette enquête principale. Les accusés s’élèvent au nombre de 14, les témoins au nombre de 144. Ce procès qui durera jusqu’au 10 novembre a une telle importance historique qu’il est intégralement filmé, une première en France pour des faits de terrorisme. Parmi les 14 accusés seul 10 comparaissent devant cette cour d’assise spéciale, dirigée par le juge Régis Jorna, les autres se trouvant depuis 2015 en zone irako-syrienne. Avec ce procès se rouvre bien sûr la question qui s’était déjà posée en 2015, le blasphème doit-il être une limite à la liberté d’expression ? Loin de se demander si les caricaturistes de Charlie « l’avaient mérité », supposition absurde, la question est plutôt de savoir si leurs dessins blasphématoires étaient irrespectueux, insultants, racistes ?

Parmi les trois grandes religions monothéistes, le christianisme et le judaïsme sont les plus sévère sur la définition de la notion de blasphème et sur les sanctions qui s’y rattachent. Dans les deux cas la forme principale du blasphème est le non-respect du nom sacré du seigneur. Cela est mentionné dans le deuxième commandement ainsi que dans le Lévitique et la punition du blasphème dans la loi juive est la peine de mort. Dans la religion juive le blasphème s’étend également à la représentation de Dieu et son assimilation à une être humain mais ces pratiques sont alors moins graves que celle de porter atteinte à la communauté juive et ne méritent pas la mort. Dans l’Islam le terme de blasphème n’existe pas en tant que tel, il est remplacé par le concept d’apostasie, soit le fait de renier sa religion. Ce concept ne concerne que les croyants musulmans exceptés lorsqu’ils sont endormis, enfants, malade mental ou sous la contrainte. Certains voient également dans le Coran une interdiction de se moquer du prophète Mahomet mais aussi de tous les autres prophètes, vrai ou faux, et de leurs idoles et messagers. Ainsi, ceux qui insultent les autres religions manquent de respect aux enseignements de leur propre religion et deviennent incroyants. Qui qu’il n’en soit aucune n’est prescrite dans le Coran, ce sont donc les États de loi islamique eux-mêmes qui les définissent. En Arabie saoudite ou en Iran, une critique de l’Islam peut entrainer jusqu’à la peine de mort.


Si les religions ne s’entendent pas quant à la définition du blasphème et à ses conséquences, les États aussi peinent à l’institutionnaliser. L’ONU a été de nombreuse fois concernée par la question du blasphème. Plusieurs États musulman appliquant la Charia comme droit pénal, pénalisent le blasphème et l’apostasie, comme expliqué plus haut, et tentent d’adapter le droit international dans ce sens. Mais les pays occidentaux, rejoints par l'Amérique latine et l'Afrique, s'y opposent fermement au nom de la liberté d'expression. Ce concept a donc été abandonné par l’ONU en 2011 et remplacé l’affirmation de la lutte contre les discriminations, l’intolérance et l’incitation à la haine et à la violence fondée sur une appartenance religieuse. Mais la limite est parfois mince entre l’insulte envers une religion et à ses symboles et ses adeptes et celle envers ses adeptes qui de surcroit en sont souvent offensés.



D’autant que l’Union Européenne, si elle ne reconnaît pas la notion de « blasphème », inscrit « la préservation de la paix religieuse » dans la CEDH. Le délit de blasphème est ainsi vidé de son caractère religieux et la cour Européenne a déjà appuyée l’interdiction de certains films « à caractères blasphématoires » par les autorités religieuses. Le blasphème n’est donc pas supprimé mais transformé. Ainsi si République d’Irlande, il n’existe plus de délit de blasphème depuis 2018, il existe un contrôle cinématographique, médiatique, publicitaire de respect « des bonnes mœurs ou de la pudeur ». Même situation en Turquie, où les sanctions contre le blasphème ont été supprimé en 2005 mais où subsiste des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 1 an envers ceux qui pourraient « troubler la paix publique » en « humiliant publiquement les valeurs religieuses ». Dans d’autres pays comme l’Italie ou la Pologne, le code pénal interdit lui explicitement le blasphème.

En France, la liberté d’expression est une liberté fondamentale inscrite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et renforcée par la loi sur la liberté de la presse de 1881. Celle-ci supprime définitivement le délit de blasphème mais réaffirme celui de diffamation et viendra être complété par la loi Pleven en 1972 concernant « les délits d’injure, de diffamation et de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance à une race, une ethnie, une nation ou une religion ». Ces délits peuvent eux être sanctionné par 5 ans d’emprisonnement et jusqu'à 45 000 euros d’amende. Il est donc tout à fait possible en France de critiquer ou d’insulter une religion, ses divinités et ses symboles, au même titre que l’on peut critiquer un parti politique. C’est d’ailleurs cette décision qui a été réaffirmée par la justice lors des procès de Charlie Hebdo en 2007 suite à la publication de caricatures de Mahomet. Il est primordial de conserver cette liberté d’expression et ce droit au blasphème, tout en respectant bien sûr les individus, car la liberté d’expression ne doit pas avoir d’autres limites que celle de la diffamation ou de l’incitation à la haine. Et pour cela il faut savoir se monter vigilant car il existe de plus en plus de voies pour contourner cette liberté notamment la notion de « préservation de la paix religieuse » qui ne devrait cependant pas intervenir en France où l’État est tenu à la neutralité totale vis-à-vis des différentes religions présentes sur le territoire national.

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