Le lundi 5 octobre au collège du Bois-d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines, Samuel Paty, professeur d’histoire, fait un cours sur la liberté d'expression à une classe de 4e, thème faisant partie du programme d’enseignement moral et civique.
Il illustre son cours de caricatures du prophète Mahomet publiées par le journal Charlie Hebdo, l’un des symboles de la liberté d’expression en France après les attentats de 2007. En sachant que cela pouvait être « choquant » pour certains élèves, et bien que la religion et les croyances n’aient pas leur place à l’école laïque, il propose aux élèves qui ne voudraient pas voir les caricatures de fermer les yeux ou de sortir de la classe. Le vendredi 16 octobre, en sortant de son collège, Samuel Paty est décapité par Abdoullakh Abouyezidovitch Anzorov, un homme russe d'origine tchétchène de 18 ans.
Un acte d’une telle cruauté semble inimaginable, dans une rue de la République qu’est la France. Samuel Paty n’avait commis aucun crime, pas plus que Charlie Hebdo. Il avait fait ce qui était de son droit et plus encore de son devoir d’enseignant. Il avait enseigné. Au même titre que la théorie de l’évolution ou la création de la Terre par le Big Bang, la liberté d’expression peut parfois aller à l’encontre de la religion. Mais elle se doit d’être apprise à des enfants qui grandissent dans un pays libre, des enfants qui ont et auront le droit de dire ce qu’ils pensent sans attiser la haine envers les autres citoyens.
L’école laïque doit apprendre à un enfant à aiguiser son esprit critique, qu’il soit d’accord ou non avec ce qu’on lui enseigne et ce professeur n’aurait même pas dû chercher à « épargner » certains enfants car l’enseignement ne se divise pas. En sortant de l’école, un enfant doit avoir compris que la solution appropriée lorsqu’on n’aime pas un écrit, c’est d’en écrire un autre, jamais de l’interdire. Si Samuel Paty est décédé c’est parce que des parents d’élèves n’ont pas été capables de comprendre cela. C’est parce que des adultes ne sont pas en mesure de différencier vie privée et vie sociale, blasphème et racisme.
C’est en s’acharnant sur ce professeur à travers les réseaux sociaux qu’ils ont provoqué sa mort.
S’il est décédé c’est aussi parce que d’autres qui ne comprennent rien à l’Islam soutiennent ces actes terroristes d’une barbarie sans nom dans des mosquées islamistes radicales ou sur internet. L’Islam est une religion de paix et de tolérance qui invite les musulmans à se concentrer sur leurs propres actions et leur cheminement spirituel.
Ce n’est pas une idéologie politique. L’immense majorité des musulmans français supportent la liberté d’expression, de culte et la laïcité.
Les parents d’élèves qui ont attaqué le professeur, qui ont participé à ce lynchage publique méritent d’être jugés pour avoir entrainé la mort brutale d’un homme. Ils ont d’ailleurs été arrêtés et placés en garde à vue.
Les attaques aux valeurs républicaines, à l’école laïque ne cessent de se multiplier et il faut une réponse claire sans entrainer discriminations et amalgames. Ce meurtre est une offense qui touche aux fondements de la République et que rien n’excuse.
Un professeur doit enseigner sans avoir à tenir compte des appartenances religieuses de chacun, c’est le principe de laïcité et la liberté de culte ou la tolérance n’ont rien à faire là-dedans.
Dans le domaine privé, chacun croit en ce qu’il veut mais à l’extérieur, la liberté d’expression devient l’unique clé de la coexistence. Et cette coexistence doit s’exprimer maintenant, en réponse. Les différents rassemblements qui ont eu lieu en France sont un signe d’espoir et de solidarité mais il ne faut pas une fois de plus que ce « vivre ensemble » s’essouffle peu à peu après le traumatisme.
La solidarité, dans la condamnation sans équivoque de ces actes par tous et dans la réaffirmation des valeurs française est nécessaire sur le long terme. Le blasphème est une notion purement religieuse qui n’a pas sa place à l’école. Un enseignant ne doit pas avoir peur d’enseigner, comme un journaliste ne doit pas avoir peur d’écrire. Personne ne doit avoir peur de s’exprimer.
Le bureau Controverses
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