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Dossier : La fraternité dans la Bible - Hadrien Murat


Les hommes sont tous frères et figures d’altérité. C’est l’un des premiers constats affirmés dans la Bible, corpus de livres sacrés dans la tradition théologique et cultuelle juive et chrétienne (la sélection de ces livres pour chaque obédience diffère mais il en est des communs à toutes), tous écrits à des moments et dans des contextes différents, et ayant chacun un message et un témoignage propre. Le premier de ceux-ci, la Genèse, est celui qui nous intéresse ici. Reconnaissons d’abord que l’interprétation donnée dans cet article est écrite par un simple étudiant à la clairvoyance limitée, qui tente de transmettre ce qu’il a compris sans pour autant avoir embrassé tout l’horizon qui s’offre à lui. Ensuite, quelle fut sa manière d’accueil des textes ? Il est parti du principe, notamment pour la Genèse, que sans tomber dans une lecture littérale, il ne fallait pas non plus chercher une lecture trop symbolique, s’attarder sur des détails vides de sens et capillotractés. Dieu ne se cache pas aux hommes, tout y est explicite ; l’histoire de la Bible est celle de la révélation de Dieu aux hommes et de la tentative de dialogue qui en découle. Enfin, lorsque nous nous appuierons sur des extraits du Nouveau Testament (NT), gardons en tête que malgré ce choix sélectif, nous pourrions trouver la même idée dans d’autres passages de l’Ancien Testament (AT). La sélection est donc arbitraire. Ceci étant dit, entamons.

Une fraternité est un ensemble de données immuables, qui, à la manière du mortier, agissent en un liant pour la communauté des hommes qui devient alors une communauté de destin : nous avons un même début et une même fin. Mais selon les données, nous n'évoquerons pas le même type de fraternité. A la question « qu’est-ce que l’Homme ? », nous répondrons « corps, esprit et âme », ou autrement dit, un être à la fois charnel, intellectuel et spirituel. Si le corps et l’esprit sont aisément appréhendables, l’âme est ce qui anime et donne vie au tout, la raison profonde du pourquoi et du comment nous agissons. Ce serait alors par l’âme que nous expliquerions le mieux l’expression corporelle et intellectuelle. Mais ce principe n’est pas sans conséquence théorique. Il implique que nous reconnaissions l’existence d’un univers visible, palpable et intelligible, et celui d’un univers invisible et échappant donc aux sens innés de l’Homme. Pour autant, si nous admettons que l’âme exprime mieux notre être que notre corps et notre esprit, alors non seulement cet univers invisible fait partie intégrante de la réalité, de ce qui est réel, autrement dit du monde dans lequel nous vivons, mais de surcroît, cet univers invisible bien qu’échappant aux sens, est encore plus vrai que l’univers visible puisqu’il traduit mieux ce que nous sommes profondément et non pas en surface ou en apparence puisque ne souffrant pas d’une mise en scène perpétuelle. Ainsi, il est une fraternité terrestre, corporelle ou si je puis dire, biologique, et une fraternité spirituelle qui unit les hommes à Dieu. La première serait donc commune à tous les hommes, et la seconde potentiellement commune à un certain nombre. Ce sont les deux que traite la Bible.


« Et Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu. Il les créa mâle et femelle » (Genèse 1, 27). Qui ne connaît pas le mythe d’Adam et Eve, premiers êtres humains ? Que pouvons-nous retirer de cet extrait ? D’abord, la création à la semblance de Dieu. Puis, la création commune des hommes et des femmes, de l’humanité. Cela a pour implication que nous sommes les descendants de mêmes ancêtres. Sans doute avez-vous entendu que tous les européens descendent de Charlemagne. Assumons alors que nos arbres généalogiques se croisent plusieurs fois quand nous remontons des dizaines de milliers d’années en arrière. Voilà le premier élément qui unit l’humanité : son patrimoine génétique. C’est un lien du sang qui est le premier liant terrestre fondamental. Toujours dans le mythe de la Genèse, Adam et Eve ont deux fils nommés Caïn et Abel. Caïn se rend coupable du meurtre de son frère de sang par jalousie. Ce fratricide est condamné par Dieu qui le fait savoir à Caïn. Tuer quelqu’un, c’est tuer son frère de sang. « Tu ne tueras point » (Exode 20, 13) pose définitivement cette idée. Ce commandement intervient au moment où les israélites fuient l’Egypte et où ils commencent à vivre en une communauté qui se veut aussi unie dans la croyance. Pour être unis dans la croyance, il est d’abord nécessaire de poser un savoir-vivre commun pour l’harmonie sociale. Les commandements se veulent un gage du respect mutuel que se portent les hommes dans ce qu’ils ont de plus sacré à savoir la vie et ce qu’ils sont. Le livre du Lévitique détaille plus précisément les règles qui s’appliquent aux juifs concernant leurs droits et devoirs au sein de la société qui, pour fonctionner, doit être organisée.

« Si donc moi le Seigneur et Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres » (Jean, 13, 14). Si nous sommes créés à l’image de Dieu, nous sommes alors appelés à suivre l’exemple de Dieu qui, incarné en la personne de Jésus-Christ, nous montre comment il a vécu. La charité, ou l’amour, est le premier devoir humain. C’est ce que nous explique cet extrait. La parabole du bon samaritain (Luc, 10), narrée par Jésus, nous dit que celui qui a fait le plus preuve de bonté était un homme qui n’a pas adopté la vraie foi. Ainsi, tous les hommes sont concernés par ce devoir de prendre soin de son frère, mais nous apprenons également que la charité n’est pas chose acquise pour un croyant. La fraternité terrestre des hommes implique donc non seulement que nous ne fassions pas du mal à notre frère, mais surtout que nous lui fassions du bien. Cela va même plus loin. Quelle attitude devons-nous adopter lorsque notre frère nous fait du mal ? Ne te venge pas du méchant, nous enseigne Jésus, et tends l’autre joue (Matthieu 5). Soit, réponds au mal par le bien. Historiquement, nous observons l’opération d’une transition dans le dialogue des corps, des esprits et des âmes entre les hommes dans la Bible. Avant l’instauration des commandements dans le livre de l’Exode et des recommandations et règles dans le Lévitique, les hommes pouvaient répliquer au mal de façon disproportionnée. Ainsi est introduit le principe de proportionnalité, afin de ne pas rendre justice par soi-même.


Puis, dans le NT, Jésus introduit un passage vers une autre attitude. A défaut de pouvoir rendre justice, nous pouvons adopter une juste attitude. Alors, nous répondons désormais au mal par le bien et mettons un terme à la naissance d’un cycle de haine. Pourquoi cette transition est-elle si tardive ? Le concept n’apparaît certes pas quand le Christ naît, mais il est explicitement énoncé par lui, donc par Dieu. Ce n’est pas un hasard, car c’est dans le NT que nous connaissons l’existence d’un Dieu unique et trinitaire, ou une même entité pour trois personnes, qui sont le Père, le Fils et le Saint Esprit. Or, les chrétiens sont unis en Jésus Christ par l’Esprit Saint. « Efforcez-vous de maintenir l’unité que donne l’Esprit Saint par la paix qui vous lie les uns aux autres » (Ephésiens 4, 3). Frères dans la fraternité terrestre, nous le sommes de fait, ce n’est pas un choix, et nous devons adopter une attitude et un comportement qui conviennent à des frères. Mais nous pouvons choisir d’être frères dans la spiritualité. Et c’est ce qu’introduit Jésus en nous recommandant de répondre au mal par le bien. Nous pouvons faire le choix de ce qui est juste, et en vivant parfaitement la fraternité terrestre, c’est-à-dire en tirant exemple de Dieu et donc de l’attitude de Jésus, nous pouvons alors répondre à la fraternité spirituelle à laquelle nous sommes appelés. Et cette parfaite fraternité terrestre est vécue parfaitement lorsque les hommes sont unis spirituellement, c’est-à-dire lorsque les hommes s’unissent tant dans l’univers visible qu’invisible. Dans Matthieu chapitre 22, le Christ résume quelle est l’attitude la plus juste : aimer Dieu de tout son être et aimer son prochain comme soi-même. L’homme étant créé par amour, il est appelé à aimer, puisque créé à l’image du créateur (aimer n’étant pas synonyme de permissif !). Né dans un premier ciment biologique d’unité, l’Homme est appelé à bâtir avec Dieu, pour Dieu et en Dieu, et dans son libre choix, la seconde fraternité. Et nous, aimons-nous ?


Hadrien Murat



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