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Photo du rédacteurAlbert Controverses

DOSSIER : Le collectif 50/50

Lorsque Aïssa Maïga prend la parole durant la cérémonie des Césars, interpelle l’assemblée sur un possible manque de diversité par rapport à la réalité de la population française, il ne s’agit pas que d’une initiative ponctuelle et personnelle. En effet, cette cérémonie et le contexte particulier dans lequel elle s’est déroulée (oui, Popol) ont démontré que de nombreux changements devaient encore être opérés dans l’industrie du cinéma. La comédienne s’est exprimée seule, ne s’est pas revendiquée porte-parole de quelconque organisation ou groupe. Cependant, on peut observer cette intervention comme étant plus qu’un discours individuel puisque Aïssa Maïga fait en effet partie du Collectif 50/50. Cette association tente de faire avancer la réflexion mais aussi les actions concernant non seulement la parité dans le milieu du cinéma et de l’audiovisuel, mais aussi la représentation de la diversité française en termes ethniques, sociaux ou encore générationnels.



À la suite de l’affaire Weinstein aux Etats-Unis, l’association Le Deuxième Regard et 300 personnalités du cinéma français ont décidé de « transformer un moment en mouvement ». Le Collectif 50/50, ou bien « 50/50 en 2020 », a été créé et a alors pris l’initiative d’organiser une montée des marches uniquement féminine à l’occasion du festival de Cannes de 2018. C’est par des symboles forts que l’opinion publique peut être marquée, qu’une place peut se faire. Il ne s’agit cependant que d’une facette du combat à mener. A présent, on retrouve dans les signataires du mouvement des personnes travaillant à tous les niveaux, aussi bien en tant que 2ème assistante caméra comme Haruyo Yokota, que comédienne reconnue comme Léa Seydoux. La direction est néanmoins assurée par un conseil d’administration et un bureau.


L’ambition du Collectif est d’obtenir des résultats concrets pour lutter contre les déséquilibres de pouvoir qui penchent toujours vers les mêmes personnes. Ils ont la conviction que c’est en influant au cœur même des institutions que le milieu du cinéma et de l’audiovisuel peut changer. Par ailleurs, une grand importance est donnée à « la bataille des chiffres » avec un Observatoire de l’égalité dans cette industrie. En collaboration avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), des études ont en effet été réalisées pour relever les écarts de salaire selon le poste occupé ou encore la répartition inégale entre hommes et femmes selon les emplois. Par exemple, les administratrices et chargées de production ont en moyenne un niveau de rémunération inférieur de 38% à celui des hommes qui occupent ce poste, alors même qu’elles représentent 62% de la profession. On note aussi des différences de budget accordé selon le genre de la personne qui réalise le film. Une fois de plus, le mouvement n’est pas uniquement centré un objectif paritaire mais les autres statistiques sont moins simples à relever. Les données concernant les origines et les appartenances ethniques sont par exemple interdites en France, à la différence des Etats-Unis. Petit point de droit constitutionnel : leur interdiction est en partie due à une décision du Conseil Constitutionnel de 2007 qui a jugé ces statistiques ethniques comme anticonstitutionnelles car contraires au caractère « indivisible, laïque, démocratique et sociale » de la République française.


Pour agir, le Collectif 50/50 emploie alors divers moyens. Il s’agit notamment de l’élaboration de deux chartes qui incitent par la suite leurs signataires à respecter un certain nombre d’engagements. On retrouve la « Charte pour l’inclusion dans le cinéma et l’audiovisuel » qui s’adresse aux festivals ou encore aux syndicats. En la signant, ces derniers s’engagent à respecter et à promouvoir la diversité, aussi bien devant que derrière la caméra, au niveau de la formation, du recrutement et à l’image. Cette diversité se veut de genre, sociale, ethnique mais aussi d’opinion. La promotion du Collectif et de cette charte est aussi visée, avec sur un plus long terme un suivi du respect ou non des engagements pris. La « Charte pour la parité et la diversité dans les sociétés d’édition-distribution de films et d’exploitation cinématographique » repose à peu près sur les mêmes bases et les mêmes objectifs. Encore une fois les données statistiques sont mises en avant, avec dans ce cas aussi une lutte contre les stéréotypes, les écarts de salaire et les violences sexistes. Cette charte est d’autant plus intéressante qu’elle souligne l’aspect d’industrie, on considère le cinéma comme un secteur professionnel comme un autre qui doit se conformer à la loi et à la diversité de la société civile. A côté de ces chartes on peu évoquer les « Assises sur la parité, l’égalité et la diversité » organisées pour la première fois en 2018 et réitérées l’année suivante. En collaboration avec le CNC et le ministère de la Culture et de la Communication, ces journées sont organisées pour susciter la réflexion et l’intérêt autour des problématiques défendues par le Collectif durant des tables rondes et des ateliers. C’est aussi l’occasion de voir des résultats concrets puisque lors de la première édition, la Ministre Françoise Nyssen ne s’était pas contentée de faire de la figuration. En effet, 6 mesures ont été mises en place dont un bonus financier de 15% pour les films présentant une parité dans leurs équipes. Dans une interview accordée au Figaro en mai 2019, trois représentants du Collectif reviennent d’ailleurs sur ces mesures. Selon eux, il ne s’agit pas de viser des quotas obligatoires et des primes comme récompenses pour bonne obéissance. Cependant, il s’agit là d’un moyen pour amener la question de la parité et même, en allant plus loin, de la diversité.


Pour appuyer ces engagements plutôt formels et concrets, l’organisation est en contact avec des associations déjà existantes et qui œuvrent à faciliter l’accès de jeunes de tous les milieux aux métiers de la cinématographie et de l’audiovisuel (1000 Visages par exemple). Cela se fait particulièrement dans le cadre de la Bible 50/50. Cet annuaire est à disposition des professionnels du milieu et a pour objectif de « rendre visibles les profils qui le sont trop peu ». On répond ainsi aux recruteurs par une offre qui se veut riche et diverse et pour échapper aux préjugés, aux automatismes et aux stéréotypes.


Sur le site internet du Collectif 50/50 sont alors exposés les statistiques si nécessaires pour faire réagir et étayer une argumentation sérieuse. On peut aussi y retrouver l’ensemble des festivals signataires et les évolutions qui en découlent, ou encore des études comparées concernant par exemple « La place des femmes dans la compétition du Festival de Cannes » depuis 1946. Pour les soutenir, il est alors possible de signer, d’adhérer et de donner, mais rien qu’en parler permet de créer une ouverture à la réflexion. Il est vrai que l’industrie cinématographique en tant que telle ne concerne pas tout le monde, et reste un milieu professionnel comme on en retrouve une multitude. Cela ne signifie pas que l’engagement de ces personnes est inutile mais que, peut-être, il ne les concerne qu’elles. Cependant, le cinéma et l’audiovisuel bénéficient d’un statut particulier puisqu’ils font partie intégrante de la culture française. Ils occupent ainsi un rôle de représentation de l’ensemble de la société, et en sont même présentés comme la vitrine aussi bien pour les Français qu’à l’international. Sous-représenter certaines personnes, moins bien les payer ou bien leur attribuer toujours les mêmes rôles peut donner l’impression qu’ils ne sont pas légitimes pour faire partie de cette vitrine. De plus, l’un des arguments avancés par les militants est que perpétuer toujours les mêmes rapports de force restreindrait le champs des possibilités, que certains univers artistiques n’auraient pas l’opportunité de s’exprimer. Par ailleurs, il s’agit aussi de se demander si ce secteur se distingue justement des autres professions par la proportion peut-être plus élevée de violences sexuelles et sexistes, qui sont en plus souvent couvertes par un entre-soi. On en revient alors à l’affaire Weinstein et au mouvement #MeToo pour lesquels la France aurait « raté le coche » selon l’actrice Adèle Haenel. Il semble donc nécessaire que des organisations comme le Collectif 50/50 réunissent autour de ces débats qu’il faut avoir, tout en permettant d’agir concrètement sur les problèmes identifiés.


Par Sara Zarroug


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