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Photo du rédacteurAlbert Controverses

DOSSIER : Oublie le tri

Dernière mise à jour : 22 mars 2020

Suis-je responsable, en tant que Français de classe moyenne plus vivant dans la 6e puissance économique mondiale, du réchauffement climatique ? A première vue il est facile de brandir avec indignation les chiffres et les images qui montrent que notre mode de vie est en train de tuer la planète. La surconsommation d’eau, d’énergie fossile, de plastique ou d’appareils électroniques (nécessitant l’extraction de métaux lourds) ne représente que la face émergée de l’iceberg. Depuis maintenant 2 ans, une vraie prise de conscience vis- à-vis des cris d’agonie de tous les écosystèmes nous amène, chacun d’entre nous, à repen- ser notre mode de consommation. Prendre des douches plus courtes, réduire sa masse de déchets, trier, recycler, réparer ou encore éviter la consommation plastique en sont quelques exemples. Des campagnes de sensibilisation sont organisées partout, que ce soit sur internet à travers un rassemblement d’influenceurs comme « on est prêt », par le gouvernement qui incite au tri « sélectif » (car le tri ne suffit plus à lui-même apparemment), ou même Vinci autoroutes qui sensibilise les conducteurs à ne pas jeter leurs déchets par la fenêtre. On observe ainsi un changement de comportement à l’échelle individuelle. On se félicite très facilement de tous ses petits gestes attentionnés envers la nature (manger bio, composte, faire attention au gaspillage...). Et peut-être qu’avec cela, la Terre ne dépassera pas les 2 degrés en plus, seuil à partir duquel tous les scénarios de catastrophes sont possibles. Suis-je vraiment responsable de l’assèchement systématique des nappes phréatiques par des grandes entreprises comme Nestlé ou Coca Cola ?


Mais alors, laissez-moi vous reposer la question. Suis-je vrai- ment responsable du réchauf- fement climatique ? Cela me semble assez absurde de nous in- citer à prendre des douches plus courtes, soi-disant parce que la Terre manque d’eau, quand 90% de la consommation mondiale d’eau est destinée au secteur industriel et agro-alimentaire. Suis-je vraiment responsable de l’assèchement systématique des nappes phréatiques par des grandes entreprises comme Nestlé ou Coca Cola ? Quand on nous encourage à réduire notre masse de déchets ménagers, le fameux crédo du « zéro-déchet », il est tout autant ubuesque de crier à la victoire quand les déchets ménagers ne représentent que 4% de la masse totale des déchets aux États-Unis ou 8,7% en France. A bas les idoles, recycler ou faire le tri n’empêchera en aucun cas la planète de se réchauffer. Comme le dit très bien Kirkpatrick Sale, un essayiste américain : « For the past 15 years the story has been the same every year, individual consumption-residential, by private car, and so on is never more than a quarter of all consumption ; the vast majority is commercial, industrial, corporate, by agrobusiness and government ». L’absurdité atteint ses sommets quand les énergies renouvelables sont concernées. La voiture électrique dite écologique nécessite 5 ans d’utilisation pour avoir un bilan carbone inférieur à une voiture diesel. La fabrication de panneaux solaires fait recourt à l’extraction de métaux comme le silicium et à sa purification par le biais de produits chimiques, sans mentionner le fait que cette fabrication est inscrite dans les multiples flux de la mondialisation.


Le choix d’un mode de vie plus simple n’est qu’une simple illusion montée de toutes pièces par ceux au pouvoir, ceux en faveur du statut quo, ceux en faveur de l’exploitation sans limite des ressources terrestres aux seuls profits de leur classe, leur patrimoine. Cette illusion du réel permet purement et simplement de détourner l’attention des citoyens de là où les vraies décisions quant à la survie de la planète se font. « Make our planet great again une démagogie vite faite bien faite par notre président Macron, qui par la même occasion, sou- tenait un projet de mine d’or en Guyane en avril 2018. Cette philosophie du changement, prônée par la classe dominante, n’a pour seul but que de réduire le citoyen à un statut de consommateur, lui ôtant ainsi l’un de ses plus puissants atouts : la résistance. Il existe une multitude de moyens pour sauver la planète à commencer par abattre les barrages, nuire à des projets de construction (Notre-Dame des Landes en est l’exemple parfait), manifester, bloquer – bref, déstabiliser le système qui privilégie les riches, ceux qui polluent le plus, ceux qui construisent actuellement des bunkers. Il faut cesser de blâmer l’individu, de faire culpabiliser le citoyen, de concevoir la solution écologique comme un agrégat de petits gestes individuels. Il faut s’engager dans la vraie lutte, quitte à renoncer à notre confort de vie (électricité, chauffage, internet etc.)


Suis-je donc responsable du réchauffement climatique ? Et bien en vérité oui. Déchiré entre deux injonctions, je me retrouve inactif et torturé. D’un côté l’appel du chemin tout tracé, de l’ascension sociale, de la réussite académique m’oblige à continuer mes études, m’acquitter d’un beau diplôme puis d’un bel emploi afin de « gagner ma vie ». Cependant, un diplôme a-t-il réellement de la valeur dans une planète morte? Car de l’autre côté se trouve l’horloge, le sablier, le compte-à-rebours climatique qui me frappe à coup de catastrophes naturelles et de rapports scientifiques afin de m’avertir sur l’urgence de la situation. Je suis donc coupable de ne rien faire, de croire tant bien que mal en la pérennité du système, de continuer de vivre comme si de rien n’était. Dans un certain sens, cela pourrait relever de la dissonance cognitive, puisque comme une partie grandissante de la population, je fais attention à chacun de mes gestes, j’achète le moins de plastique possible et je ne mange plus de viande. Si j’avais pu voter pour les européennes, j’aurais sans nul doute délégué ma voix aux Verts, même s’ils croient corps et âme à un « capitalisme vert », un oxymore en soi. En définitive, évidemment que le changement de comporte- ment à l’échelle individuelle a son importance à partir du moment où il permet de démocratiser une conscience écologique soucieuse de l’environnement. Néanmoins, freiner voire stopper la chute libre ne pourra se faire seulement à l’aide de ces petits changements. Ce n’est pas Emmanuel Macron et ses appels à faire du « clean walk » en Pologne qui remédieront à la pollution plastique. En attendant, tu peux te permettre de prendre des douches plus longues, sans devoir culpabiliser.


par Quentin Bértrancourt-Couaillet


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