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Photo du rédacteurAlbert Controverses

PORTRAIT DU MOIS : Laurent Alexandre la faiblesse du grand gourou

Dernière mise à jour : 22 mars 2020

A bientôt 60 ans, Laurent Alexandre semble un modèle inersidéral de réussite. Entre 1989 et 1994, il sort diplômé d’un doctorat en médecine à l’Université Paris -IV, de Sciences Po Paris, d’HEC et de l’ENA. Un joli Grand Chelem pour celui qui exercera quelques années la profession de chirurgien urologue. Mais l’envie de bouger le démange. Il crée trois entreprises, dont Doctissimo, que le groupe Lagardère rachètera pour 140 millions d’euros. Enfin, il monte à Bruxelles une entreprise de séquençage de génome, DNAVision. Mais ce n’est toujours pas fini. Son expertise sur les nouvelles technologies (que ce soit les progrès dans la génétique ou l’intelligence artificielle) comme sur bien d’autres domaines d’ailleurs, celui qui se fait appeler le docteur Alexandre nous les livre gracieusement dans de nombreux médias. D’urologue, il est passé à futurologue. Sur scène, dans ses éditoriaux, il se transforme volontiers en voyant et lance ses prédictions comme on lance du riz sur les mariés. Sauf qu’on lance rarement aux mariés qu’ils seront bientôt immortels grâce au progrès des nouvelles technologies et de la science. Ou alors nous ne sommes pas aux mêmes mariages.


Un gourou donc, lu et écouté par de nombreux fidèles, appelé à s’exprimer sur de nombreux thèmes, y compris sur lesquels il n’a jamais fait preuve d’une once de compétence. Un superman également pour de nombreux rédacteurs en chef de la droite à l’extrême droite puisque la science du docteur laisse la part belle aux idéologies, que ce soit un néolibéralisme patenté ou une transition ma foi rapide vers des thèmes chers à l’extrême droite : vague migratoire, amour de la terre et des traditions, eugénisme assumé. Dans toute son œuvre, le docteur garde son panache et expose toute la complexité de son personnage. Les journalistes qui l’approchent en ressortent d’ailleurs perplexes : comment ce multi-diplômé, éditorialiste charismatique, peut-il prendre autant de plaisir à photographier des célébrités et lui-même avec Croco, petit jouet pour enfant en forme de crocodile, ou à s’enliser dans certaines blagues peu subtiles ? Ce personnage complexe alimente également l’admiration, sinon la fascination de beaucoup envers lui. Cependant, comme tous les supermen, Laurent Alexandre a sa kryptonite. Elle a 16 ans et milites en faveur de l’écologie. Il suffit d’entendre Laurent Alexandre parler d’écologie, ou foi dans la convertibilité des formes d’intelligences entre elles. A propos du mouvement écologiste, que ce soient les jeunes mobilisés lors des Fridays for Futur ou les autres, il les regroupe aisément sous les termes de «khmers verts », partisans d’une « dictature verte », accuse leur jeune meneuse de vouloir ouvrir des « camps de rééducation» écologistes et de manière général, tout ce qui renvoie à de belles saloperies de l’Histoire. Quand il s’agit des écolos, Laurent Alexandre fait feu de tout bois. Il prédit une dictature, une vague de suicide chez des jeunes désespérés par l’adolescente, de manière générale, il se bat contre ce discours alarmiste et apeurant. D’ailleurs, ce chirurgien-futurologue surdiplômé (et bientôt soixantenaire) prend même la peine d’inscrire de sa description sur Twitter ‘anti Greta Thunberg’ comme vous et moi marquerions ‘passionné de vtt’ ou ‘joueur de jokari semi-pro’ Cette nouvelle religion, qui prend pour déesse la terrible Greta Thunberg, il la combat au nom de l’anti-alarmisme et de l’anti-collapsologie. Drôle de credo pourtant, pour celui qui chaque semaine écrit dans l’Express une rubrique sobrement intitulée « demain sera vertigineux ». Au programme de l’anti-alarmiste n°1 de France, des titres rassurants tel que : « Le véganisme détruirait la France » ou encore « l’écologie politique saborde la civilisation occidentale » (cette fois dans Valeurs Actuelles). Sans compter que les prédictions du doc’ ne sont pas toujours des plus rassurantes. Drôle de grand écart idéologique donc, qui frôle le conflit d’intérêt sur le marché des Cassandre. Il est très difficile de cibler cet intrigant personnage. Néanmoins, Laurent Alexandre a une idole, médecin comme lui : Jean-Martin Charcot, illustre neurologue ayant découvert et décrit plusieurs troubles dont la maladie qui porte aujourd’hui son nom, précurseur de l’utilisation de l’hypnose et dont les travaux sur l’hystérie auront une importance capitale, notamment sur un de ses élèves, Sigmund Freud. Adulé en son temps par une grande partie de la communauté scientifique mais aussi par les élites internationales, Charcot reste un grand nom de la médecine. Or, Alexandre n’est pas Charcot. Sa contribution à la science est si orientée par des velléités mercantiles qu’elle en est infime et malgré ses buzz sur twitter et son amitié avec quelques personnalités influentes, le phénomène Laurent Alexandre ne prend pas à la hauteur de ses espérances, ce qui est loin de vouloir dire qu’il ne prend pas du tout, par ailleurs.


Comment un homme si brillant peut-il se complaire dans des positions scientifiquement peu tenables ? Pourquoi en vient-il à une telle puérilité lorsqu’il s’agit d’écologie ? A-t-il tort ? Toutes ces interrogations n’ont aucune importance. Seule compte la question : Pourquoi cet homme bénéficie-t-il d’une telle visibilité ? En effet, si l’élite des sciences ne lui déroule pas un tapis rouge, la frange la plus à droite des médias lui déroule pas un tapis rouge, la frange la plus à droite des médias ne manque pas de s’extasier devant sa clairvoyante vision d’un futur qui colle souvent bien avec la ligne éditoriale. Par quel appel d’air un futurologue auto-proclamé, clairement politique (il a notamment co-écrit son dernier livre avec Jean-François Copé) et souvent accusable d’une forme de conflit d’intérêt en raison de sa stature de ‘business angel’, a-t- il pu devenir si présent et si in- dispensable pour répondre à des questions où nombre de spécialistes reconnus n’ont pas la parole? Le problème n’est pas Laurent Alexandre, le problème est en fait l’étiquette qu’on lui laisse se coller et à laquelle une partie du système médiatique s’affaire activement à rajouter des gallons.


par Raphaël Godefroid


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