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Photo du rédacteurAlbert Controverses

DOSSIER : Quand la mode veut faire changer le monde


"Les vêtements ont un destin plus important que de nous tenir chaud. Ils changent notre vision du monde et le point de vue du monde sur nous " disait l'écrivaine Virginia Woolf. Ainsi au-delà de sa portée purement esthétique, la mode, au même titre que le cinéma, la peinture et l'art en général, est également capable de dénoncer, de revendiquer, de s'engager au près de causes qui touchent les créateurs et de faire évoluer les mentalités.


Dieu créa la femme et Coco l'habilla

Si la mode renvoie souvent une image de futilité et de superficialité, elle joue pourtant un rôle majeur dans plusieurs secteurs notamment dans celui de l'émancipation des femmes à travers le temps. La première avancée est réalisée par l'une des figures féminines phare de la haute couture, Coco Channel. L'émancipation des femmes fait un grand bon pendant la 1er Guerre Mondiale, où elles sont contraintes de travailler dans les champs et les usines et donc d'enfiler des vêtements plus confortables. Dans la période d'après-guerre, Coco, aidée de Jeanne Lanvin, va continuer sur cette lancée en introduisant le premier tailleur en jersey, une laine très souple, encore utilisée aujourd'hui pour les t-shirts et bien plus pratique que les corsets. Coco Chanel veut ainsi créer la tenue d'une femme active au quotidien chargé.

La libération du corps féminin continue dans les années 60 avec un raccourcissement des jupes qui fait scandale. L'idée originale de la britannique Mary Quant est reprise par André Courrèges qui fait défiler sur un podium français la première minijupe en 1964 tandis que certaines femmes n'osent pas encore dévoiler leurs chevilles. Cette jupe courte, tout comme le bikini, qui gagne en popularité, est en accord avec une période qui prône la révolution sexuelle et la libération des mœurs. Mais le progrès n'aurait pas été majeur sans le développement parallèle du prêt-à-porter qui démocratise la mini-jupe et la mode en général, la rendant accessible au commun des mortels et plus seulement aux grandes égéries telles que Brigitte Bardot.


C'est dans ce contexte de "mode pour tous" qu'Yves Saint Laurent va cette fois-ci non pas raccourcir la jupe mais la transformer en pantalon. Avec le tailleur pantalon, YSL va plus loin que Coco Channel dans son projet de rendre les femmes plus à l'aise dans leurs vêtements. Le pantalon devient alors progressivement une tenue unisexe qui se déclinera par la suite en jeans, leggings, …


Aujourd'hui encore, la mode continue de porter des revendications tel que la marque Meuf, qui sort régulièrement des collections de t-shirt aux slogans féministes, tel que "Derrière chaque femme qui a réussi se trouve toujours elle-même", et qui reverse une partie de ses bénéfices à l'association "Maison des Femmes" de Saint Denis. Certains défilés, comme celui de Chanel en 2015 "Ladies First" se transforme même en semblant de manifestation pour le droit des femmes, action choc insufflée par le créateur alors aux commandes, Karl Lagerfeld.


Finalement, à l'heure où les violences sexuelles et le sexisme sont de plus en plus dénoncés dans notre société, la mode continue de porter la voix des femmes comme à la Fashion Week 2018 avec le pull Dior portant l'inscription "C'est non, non, non, et non" ou encore lors de la cérémonie des Oscar 2020 où Natalie Portman exhibe une cape brodée des noms des réalisatrices qui n'ont pas été nommées.


La marque engagée par excellence

Comment parler de la mode engagée sans aborder la marque qui depuis des années se tient aux côté de causes diverses et variées ? Entre 1984, avec sa publicité sur le thème du conflit israélo-palestinien et 2000, Benetton et le photographe Oliviero Toscani redoublent de créativité pour attirer l'attention du public sur de vastes problématiques tel que le racisme mais également des questions d'actualités comme les condition d'immigration en 1992, le Sida un an après ou encore la peine de mort aux Etats-Unis en 2000. Cet engagement se poursuit même après la fin de partenariat entre le photographe et la marque. Le thème du racisme reste central, avec des campagnes de publicité comme "Unhate" ou tout simplement la devise "United Colors of Benetton". Cependant, de nouveaux enjeux relatifs à l'époque moderne sont également abordés comme en 2013 lorsque la mannequin transsexuelle Lea T pose dénudée ou en 2014 quand la marque s'engage dans une campagne de lutte pour les droits des femmes dans le monde qui devrait durer jusqu'en 2030.


#Tiedtogether contre Donald Trump

La mode peut donc s'engager dans des luttes sociales, porter des revendications, être à contre courant et faire évoluer les mœurs. La mode révoltée existe et elle mérite d'être considérée au même titre que les autres types d'art. D'ailleurs, elle se révolte particulièrement aux Etats-Unis depuis l'élection du Président Trump. Entre le projet de mur avec le Mexique, la politique draconienne d'immigration, la remise en cause du droit d'avortement, les créateurs ont de quoi trouver de l'inspiration. Tommy Hilfiger a lancé sa campagne de pub assez explicite "Make Love not Walls" et a demandé à ses mannequins de porter des bandanas blancs noués à leur poignet, symbole de lutte contre la politique discriminatoire de Trump, lors de la Fashion Week. L'autre accessoire phare de ces évènements a été les badges roses, portés par Anna Wintour ou Diane Von Furstenberg, en soutien au planning familial et avec lui au droit à l’avortement. Certaines marques ont été jusqu'à exhiber des créations ouvertement anti-Trump comme les culottes "Fuck your wall" de Lrs Studio ou encore, entre autres, les pulls et casquettes floquées "Make America New York" de Public School.


La mode éthique

Finalement, pour faire changer le monde, la mode peut choisir de se changer elle même. C'est cette logique qui donne naissance à la notion de "mode éthique". Dans le secteur de l'environnement, clamer des slogans n'est pas suffisant pour la seconde industrie la plus polluante de la planète, les innovations en terme de nouveaux matériaux non-polluants se multiplient donc. Avec les baskets en polyester et caoutchouc recyclés de Veja ou les pièces en cuir vegan Stella McCartney, la mode se veut durable. Afin de parfaire la transition écologique, cette ambition s'étend jusqu'à la cause animale puisque les grandes marques Gucci, Versace et Michael Kors se sont engagées à ne plus utiliser de fourrure animale au profit du synthétique. Qui dit environnement dit également commerce local. En effet, l'argument "Made in France" a prit une importance majeure pour des marques comme le Slip Français, Saint-James. Certains labels se sont même développés afin de soutenir les créateurs écoresponsables tel que Sloweare ou encore la certification #sustainablefashion sur Instagram qui regroupe plus de 3 millions de posts en 2019.


Ainsi, lorsque pour des raisons écologiques, sociales, les gens changent, leurs vêtements aussi.



Par Lili Auriat

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