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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

DOSSIER : « talkin’ Bout a Revolution ...»

Une révolution déclenchée par la taxation d’un réseau social numérique : Whatsapp, voilà de quoi étonner plus d’une personne. Il m’arrive souvent de me demander ce que penseraient les futures générations de nous, de m’interroger sur les conclusions que tireraient les futurs historiens de nos sociétés, je me perds alors dans des conceptualisations encore trop floues pour moi, peut-être même, dois-je l’avouer, légèrement fantasmagoriques. Serons-nous la société du numérique, comme nos prédécesseurs du XIXe siècle ont été baptisés « la société industrielle » ? Je vois déjà des dossiers de manuels d’histoires se garnir de documents nous concernant, ici la photographie d’une sculpture, à la manière d’un Duane Hanson, d’une jeune personne dormant avec son Smartphone, et là une mosaïque de cartes mémoires et de puces électroniques, rappelant Andy Warhol. Les manifestations dont est secoué le Liban depuis Octobre dernier figureraient alors vaguement dans une troisième partie de cours d’Histoire, histoire de montrer que nos sociétés sont tellement obsédées par le numérique qu’elles entament des révolutions. Un classique cours d’Histoire : Causes/ Conséquences/ Manifestations niveau Lavisse. Le mouvement du peuple libanais s’en trouverait réduit à des essentialisations trop faciles, l’associant au « caractère numérique » de notre société, alors même que ce mouvement le dépasse et le transcende.


Il ne faut pas surestimer ce qui n’est qu’une cause immédiate de manifestations, une sorte d’élément fédérateur qui peut paraitre original, avec la réalité profonde qui traverse cette manifestation. Ce qu’il faut absolument comprendre c’est que les contestations au Liban expriment « al-karama » (en français : la dignité) écrasée. Plus qu’une révolution 2.0, plus qu’une revendication de droits économiques et sociaux ignorés, les manifestations au Liban sont l’expression de la soif de la dignité du peuple. Trop longtemps ignorés, méprisés, écrasés, humiliés par les classes dirigeantes, les Libanais descendent dans les rues de Beyrouth, Tripoli et Baalbek et se surprennent à réclamer non plus l’annulation d’une taxe mais la fin du « nidam » (en français : le régime). Arrêtons-nous ici sur cette phrase qui traverse les manifestations des mondes arabes depuis 2011 : « achaab yourid iskat annidam » (en français le peuple veut mettre fin au régime). Par son rythme quaternaire entraînant, ses consonnes sifflantes, sa composition très simple en sujet/ verbe/ complément cette phrase se prête parfaitement aux manifestations ; elle est facilement reprise par les manifestants et surtout fait sens à tout le monde. De là vient peut être le caractère surprenant et spontané des révolutions arabes, il suffit que cette phrase surgisse une fois au milieu du chaos des manifestations pour qu’elle ne quitte plus les mégaphones. Mais il faut garder à l’esprit qu’à chaque fois qu’on prononce cette phrase, c’est une émotion qui s’exprime et qui sort de terre des années d’injustices, de pauvreté structurelle, de corruption, d’inégalités, de manque d’infrastructures publics et de blocages et de récession des économies locales.



Mais cette quête de la dignité n’est-elle pas ce qui a caractérisé les mouvements du printemps arabe ? Remplacez Liban par Egypte, Tunisie ou encore Syrie dans les phrases précédentes, et vous voilà au courant de la situation historico-politico-sociale de ces pays. Ce qui est particulier au Liban c’est que ces manifestations transcendent les clivages politiques traditionnels qui ont auparavant conduit le pays à des guerres civiles meurtrières.


Enfin là où se distinguent réellement les manifestations du Liban, c’est leur coté festif, bon enfant qui ne laisse pas place à la violence. On se rappellera notamment de la vidéo virale des manifestants qui chantent « Baby Shark » à un bébé. Enorme coup de communication ou véritable représentation d’une phase euphorique ? Les images qui nous parviennent de ces manifestations font plus penser à un concert de rock en plein air qu’à un mouvement de contestation, aux « put your hands up if you’re ready to party » se substituent de façon légère les « put your hands up si vous êtes au chômage ». Les Libanais jouent également sur l’humour en reprenant l’air de la très célèbre chanson franco-arabe Ya Mustafa –connu en Français sous le nom Chéri je t’aime-, pour apostropher de façon assez grossière « hella hella ho » les dirigeants politiques. Cependant, la très récente escalade de violence des forces de l’ordre vis-à-vis des manifestants laisse penser que cette phase est dorénavant terminée, dessinant ainsi un avenir incertain pour Serons-nous la société du les manifestations au Liban…


Par Salma El Aazdoudi

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