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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

PORTRAIT DU MOIS : Osama« Al-Homsi » être journaliste et activiste en dictature

Vivant dans des démocraties où la liberté d’expression est inscrite dans la loi (et où il y a une bonne connexion internet) nous sommes habitué.es à la pluralité et à l’abondance de l’information. Nous en sommes-nous même de fervent critiques. Il s’agit pour nous de quelque chose de normal. Imaginez un instant que tout cela soit impossible…


Les médias des pays démocratiques diffusent assez régulièrement des informations concernant des journalistes exerçants ou étant partis en reportage dans des pays où la liberté d’expression est entravée voire inexistante. Seulement, la plupart du temps on s’arrête sur les éléments et faits relatifs à la censure dont ils sont victimes. Or les enjeux sont plus importants que ça. Le journalisme en dictature redéfinit, revient à l’essence même du métier. Il ne s’agit pas d’animer un soi-disant débat entre de soi-disants experts pour faire de l’audience. Non, il s’agit de raconter des faits, de les questionner, de les critiquer parce que sinon personne d’autre ne le fera et que la vérité et tous les différents aspects qu’elle comporte sera étouffée. D’une certaine manière journalisme va de paire avec activisme…


En juin dernier, un ami venant de Syrie m’a raconté l’histoire de son frère et de son meilleur ami. Osama Al-Homsi et Abdul Basset Al-Sarout sont tous les deux originaires de la ville de Homs et s’engagent très rapidement dans la révolution syrienne début 2011, ayant à peine une vingtaine d’année. Basset abandonne un avenir prometteur dans le football pour se jeter corps et âme dans la révolution ; le ménant à sa perte. J’ai appris son histoire le jour de sa mort.



Osama fait de même. Alors que Basset devient rapidement une figure montante de la révolution et qu’il n’hésite pas à s’afficher publiquement dans les manifestations de Homs, Oussama lui prend la caméra. Il n’est pas le seul. Le reporter kurde syrien Talal Derki commence très rapidement à suivre les deux amis accompagnés de sa caméra. En 2013, il sort le documentaire « Return to Homs » co-produit avec la télévision allemande, figurant l’histoire d’Oussama et Basset.


Si Basset Al-Sarout est le premier debout devant la foule à scander des chansons contre le régime, Osama préfère rester dans l’anonymat. Son visage reste par ailleurs tout au long du film et Al-Homsi est un surnom : signifiant « celui qui vient de Homs ». En 2013, lors de la sortie du film de Talal Derki, cela fait déjà un an qu’Osama a été arrêté par le régime alors qu’il revenait en Syrie après avoir dû aller se faire soigner à Beyrouth à la suite d’une importante blessure.


Au début Osama filme les manifestions pacifiques dans les rues de Homs. Il est un important de noter qu’à cette période, le régime avait strictement interdit à qui que ce soit de filmer et diffuser des images concernant ces événements. D’ailleurs, au commencement de la révolution, très peu d’images arrivaient jusqu’aux médias occidentaux. Au fur et à mesure, les manifestations pacifiques laissent place à la violence du régime et ce que le jeune homme se met à filmer prend une toute autre tournure. Dans le film de Derki, il montre les images d’un homme, manifestant pacifique et tué le même jour par le régime. S’enchaînent alors des images du régime repoussant les manifestants au gaz lacrymogène, les corps de personne ayant été torturées, la multiplication des checks point un peu partout dans la ville. Le régime en vient même à condamner l’un des principaux carrefours de la ville le plus emprunté, mais aussi l’un des plus importants puisqu’il permet d’accéder à l’hôpital. Puis les premiers coups de feu arrivent. Al-Sarout comprend photo de Osama Al-Homsi rapidement qu’ils n’arriveront jamais à renverser le régime de manière pacifique et que prendre les armes reste le seul moyen. Osama Al-Homsi ne peut pas rendre public la plupart de ses images sans risquer de mettre en péril la vie de ses compagnons ainsi que la sienne. Il multiplie les ruses afin de continuer à filmer les atrocités du régime.


C’est en 2018 après 5 ans d’emprisonnement le décès d’Osama est rendu officiel par le régime bien que des rumeurs à propos de sa mort circulait déjà depuis quelques temps. Durant cette période le régime ne révèle que très peu d’informations à son sujet. L’une des seules informations connues est qu’il a était emprisonné dans la prison de Sednaya, non loin de Damas. Les causes de sa mort restent encore floues : torture ou bien exécution ? Selon des informations publiées sur le site du CPJ (Comittee to protect journalists), le régime syrien confirme la mort par exécution d’un de ses détenus en revoyant la carte d’identité de la personne à sa famille. L’information quant à son procès et son exécution (probablement en 2015) n’a jamais pu être vérifiée.


L’histoire d’Osama Al-Homsi n’est pas singulière en Syrie, ni même dans le monde. Il n’a n’y été le premier et ne sera ni le dernier. Selon Reporter sans frontières seuls 24% des pays dans le monde affichent une situation « bonne » ou « satisfaisante » concernant la liberté de la Presse et la condition des journalistes. Si les situations dans les pays autoritaires ou les dictatures sont à la fois similaires tout en ayant des différences, les motivations qui poussent ses femmes et hommes à s’armer d’un stylo et d’une caméra sont parfaitement identiques : faire face à un régime qui les étouffe et le remettre en question ! Nous sommes tous responsables, dans une certaine mesure, de la défense de nos libertés.


Par Lisa Brenier

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