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Dossier : Un « Plebiscito Nacional » tant attendu - Lili Auriat

Inégalités sociales, aggravées avec l’épidémie internationale, privatisation de l’éducation, de la santé, discrimination envers les femmes, corruption de la classe politique, ces problèmes socio-économiques ont mené le Chili au bord de la guerre civile en 2019. Émeutes, pillages, victimes, ce fut la pire explosion sociale depuis des décennies, la capitale était paralysée. C’est la première fois que les patrouilles de militaires descendent dans les rues depuis la fin de la dictature. Longtemps sous dictature militaire, après le coup d’État d’Augusto Pinochet en 1973, le Chili s’apprête à faire un grand pas en avant. Si en 1988, après quinze années de dictature, des manifestations massives avaient contraint le général Pinochet à organiser un référendum sur la prolongation de son mandat présidentiel jusqu’en 1997 dont la réponse négative avait marqué la fin de son régime autoritaire, sa Constitution très conservatrice, elle, demeure.

La Constitution a été amendée à plusieurs reprises pour la rendre plus démocratique : mettre fin au mandat sénatorial à vie, réduire la durée du mandat du président et le rôle du Sénat ou du ministère public. Mais ces réformes n’ont jamais pris en compte les demandes populaires : droits fondamentaux, droit à la santé, à l’éducation, au travail ou à l’environnement. De plus, la Constitution actuelle permet à une minorité de droite de conserver un pouvoir de blocage en opposition à toute tentative de modification du modèle social et économique et en imposant des conditions de révision très strictes. Un mouvement social important s’est donc réveillé pour demander un « Plebiscito Nacional » nécessaire. Le 15 novembre 2019, l’Accord pour la paix sociale et la nouvelle Constitution a été signé, prévoyant l’amendement de plusieurs articles permettant la rédaction d'un nouveau texte fondamental via une assemblée constituante. L’amendement est finalement signé le 23 décembre 2019 par le président de la République, Sebastián Piñera.


Le référendum porte donc sur deux questions. « Voulez-vous une nouvelle Constitution ? », et est « Quel type d’organe doit rédiger la nouvelle Constitution ? », qui n'est appelée à s'appliquer qu'en cas de victoire du Oui à la première question.

Finalement, dimanche 25 octobre 2020, la réponse à la première question est « Oui » à 78%. Par la suite, 79 % des votants ont voté pour une « Convention constituante », composée de représentants élus spécialement pour l’occasion, l’autre option étant une « Convention mixte », composée d’une moitié d’élus et d’une moitié de parlementaires déjà en poste. Le pays va donc en finir avec le texte actuel, qui a été le premier au monde à refléter les théories néolibérales. La participation de 50,8 %, est un record depuis la fin du vote obligatoire dans le pays, en 2012. Les choses devraient donc enfin changer pour les Chiliens, c’est une avancée pour la citoyenneté et la démocratie. « Jusqu’ici, la Constitution nous a divisés. A partir de maintenant, nous devons tous collaborer pour que la nouvelle Constitution soit un grand cadre d’unité, de stabilité et d’avenir » déclare le président. L’un des ajouts majeurs est celui d'un article 130 permettant l'élection d'une assemblée constituante. Les députés auront douze mois pour écrire la nouvelle Constitution, puis un nouveau référendum sera organisé. Si le calendrier est clair, les règles d’élection et de fonctionnement restent encore floues. On sait cependant qu’il devrait y avoir 155 députés ou 181 avec les peuples originaires. Ils seront à parité, avec 50 % d’hommes et 50 % de femmes (contre 20% aujourd’hui), un grand pas un avant pour l’égalité homme-femme.

Un autre changement attendu est celui d’une baisse des inégalités et de la privatisation des services avec la construction d’espaces de cohésion et d’intégration sociale car pour l’instant l’accès aux services de santé, d’éducation, de retraites dépend souvent du pouvoir d'achat des usagers. L’éducation par exemple, n’est pas considérée constitutionnellement comme un droit fondamental mais comme un bien privé. Le Chili est le troisième pays au monde où l’offre d’éducation publique est la plus faible et la plus privatisée, une situation très inégalitaire. Idem pour la santé, les retraites et même l’eau. La Constitution devrait en effet établir que l’eau est un bien commun et que l’accès à l’eau potable pour tous les Chiliens doit être garanti par l’État.

Ainsi, le Chili est en bonne voie pour engager des changements significatifs pour la population. Cependant une grande part de flou demeure concernant la participation citoyenne. Les peuples indigènes par exemple, ne sont pas encore sûrs d’être partie prenante car le Chili est le seul pays avec l’Uruguay qui ne reconnaît pas constitutionnellement ses peuples. Le débat se poursuit donc entre les Mapuche, les Rapa Nui, les Aymara et les autres peuples, en espérant que ces avancées ne s’arrêteront pas en si bon chemin.

Lili Auriat



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