« Si tu ne m’aimais pas, dis-moi, fille insensée,
Que balbutiais-tu dans ces fatales nuits ?
Exerçais-tu ta langue à railler ta pensée ?
Que voulaient donc ces pleurs, cette gorge oppressé,
Ces sanglots et ces cris ? »
A Laure, Alfred De Musset
Quelques mots pour appréhender ce que le plaisir charnel peut exprimer. L’amour, la tendresse, la souffrance, la passion, la brûlure, la beauté. La douce morsure de la vie, que l’art, sous toutes ses formes, a tenté de représenter. Il a longtemps été placé sous un voile de pudeur, enterré sous des sens cachés. Reste que nous avons tous en commun de parvenir à débusquer la chaleur sous le sens des mots, comme l'enchaînement d'événements qui suivent une scène de baiser au cinéma. Le sexe est souvent considéré comme un paroxysme, presque trop parlant pour justement permettre qu’on en parle trop fort.
Les avis divergent dès lors que ce voile est levé. Peut-on qualifier d’art une scène trop visuelle pour laisser libre court à l’interprétation ? Ne s'agit-il pas davantage d’un documentaire animalier ? Jusqu’où peut-on réinventer le sexe à l’écran ? Le cinéma est un morceau de réalité, aux coins délimités. Pour Jean Luc Godard, c’est une fabrique de souvenirs. L’art tient justement de cette accroche profonde avec notre réalité. Celle-ci n’a pas à être tangible, l’essentiel tient dans un frisson de déjà-vu. Le cinéma est un rêve éveillé. Il nous permet de vivre nos fantasmes, nous brusquer, pour moins de 2h à rester assis sur un canapé.
Il apparaît que les films s’adaptent à la mentalité de leur temps. Les représentations érotiques, tout comme les thrillers sexuels deviennent monnaie courante. Le cinéma pornographique ne cesse de se rapprocher de ces catégories. Il en résulte la disparition progressive de barrière entre films considérés comme « grand public » et « pour adulte ». Beaucoup de films paraissent aujourd’hui sans la bannière du X et présentent des scènes de nudité, de sexe peu ou pas cachées. Dans sa définition, un film pour adulte met en scène un rapport sexuel qui a bien eu lieu face caméra. Dans les faits, ceci ne se limite pas au porno. Le film Nymphomaniac du réalisateur Lars von Trier est sorti en salle sous l’étiquette « film drame ». Une version longue de 5h25 est sortie 9 mois plus tard, comme film X.
Considérer le cinéma pornographique comme un art, consiste, selon moi, à placer un regard nouveau sur notre rapport à la sexualité. Dans ces films, tout tient de la mise en scène, les acteurs présentent souvent une exagération de notre réalité, et ne représentent pas les actes intimes comme nous avons pu les vivre. Du moins, pas pour la grande majorité d’entre nous. Il faut donc avant tout considérer ces films comme une nouvelle fabrique à rêves, à fantasmes. Ils correspondent à une génération dopée aux images, aussi violentes qu’elles puissent l’être. J’ai personnellement aperçu des scènes de viol de La colline a des yeux (2006) à 12 ans seulement. Les scènes de violence sur grand écran n’avaient pas autant tardé. Le fardeau qui a été accordé à notre génération est d’avoir pu apercevoir les facettes les plus crues de l’humanité dès que nous avons été en âge d’allumer une télévision. Nier cette réalité est pour moi équivalent à nier le changement dans la perception de l’art au 21e siècle.
Dans une autre optique, les séries se délestent également progressivement des contraintes de moralité. Elles n’abandonnent pas pour autant la beauté des images. Les scènes d’orgie dans la série Sense8 tiennent d’une représentation picturale. Celle-ci avait joué avec les limites des codes de l’érotisme. Le site pornographique XHamster avait même proposé de produire la 3e saison de la série des Wachowski après son annulation par Netflix. Le jeu tient également de l’alliage entre scènes très visuelles, mais à la limite de l’onirique, et une bande son bien pensée (Wise Enough - YouTube).
Ainsi, j’aimerais croire que l’art est la pulsion de vie d’une époque. En ayant été reconnu comme tel, le cinéma se présente comme un ensemble, les différentes esthétiques qu’il produit sont toutes de l’ordre du 7e art.
Marie Michelet
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