Un générique familier, une multitude de publicités sponsorisées, un jury de célébrités, Jean-Pierre Foucault et 30 jeunes femmes qui voyagent dans toute la France depuis plusieurs semaines et souhaitent toutes devenir « la plus belle femme de France ». Voilà comment commence l’émission Miss France, une institution qui depuis 100 ans n’a pas beaucoup évolué. Alors aujourd’hui on questionne l’existence de ce concours annuel : dessert-il la cause féministe ?
Au premier abord « concours de beauté » ne rime pas vraiment avec émancipation de la femme. Ce genre de pratique entretient en effet la vision de la femme objet, habillée, maquillée et coiffée comme une poupée pour être « la plus belle ». On leur apprend ce qu’il faut dire où ne pas dire quand on est une reine de beauté, comment marcher et se tenir droite, descendre des marches en talon de 15 centimètres, comment sourire en continu pendant 2h30 sans avoir de crampes aux maxillaires, bref, le quotidien d’une femme tout ce qu’il y a de plus normal. Puis, après avoir enchainé les robes à paillettes et les tenues traditionnelles kitch, vient l’épreuve du défilé en maillot, soit le summum en termes de sexualisation du corps de la femme. A tous ceux qui opposeront à cela le fameux test de culture général, je répondrai que 40 questions en QCM ne permettent pas de faire de Miss France une institution moderne qui renvoie une image de femme intelligente, active et indépendante. Quant aux discours des candidates, ils n’aident pas non plus à se débarrasser du cliché de la jolie jeune fille naïve et un peu cruche sur les bords.
Pourtant, je ne vois pas ce qu’il y a de moins féministe que ceux qui critiquent les femmes qui participent à ce concours. Le féminisme c’est la recherche de l’égalité homme/femme, l’émancipation de la femme qui devrait, comme son homologue masculin, avoir le droit de faire ce qu’elle entend de sa vie sans être jugée. Au même titre que de dénigrer une femme au foyer, s’en prendre aux candidates est un comportement sexiste. Une femme a le droit de choisir ce qu’elle fait de sa vie, de son corps, de son image et si elle souhaite participer à un concours de beauté personne ne devrait avoir son mot à dire. De plus, le concours Miss France, reste un moyen comme un autre d’acquérir de la visibilité, de la notoriété. Depuis les débuts de sa diffusion à la télévision, cette émission rassemble environ 7 millions de téléspectateurs par an, et rares sont les programmes où les femmes sont autant regardées. Pour être vue et entendue, il est plus rentable d’être Miss France que d’être footballeuse professionnelle…Ce concours est perçu par les candidates comme un moyen d’atteindre un rôle de représentation à l’international, de pouvoir agir concrètement avec de vrais moyens, de démarrer une carrière professionnelle dans le monde de la culture… Camille Cerf (Miss France 2015), est par exemple marraine de la Fondation « Avec » qui accompagne les malades atteints du cancer. Flora Coquerel (Miss France 2014), a créé l’association Kelina pour favoriser les échanges entre le Benin et la France et soutenir des projets qui visent à améliorer la vie des habitants sur place, la prise en charge médicale et l’éducation. Sonia Rolland (Miss France 2000) est à l’origine de l’association Maïsha Africa pour venir en aide aux orphelins rwandais. Elle a même réalisé en 2014 un reportage « Du chaos au miracle » , qui montre l’évolution et la reconstruction du Rwanda depuis le génocide. Ces jeunes femmes, souvent diplômées ont donc des ambitions qui dépassent largement celle d’être « la plus belle femme de France ».
Mais cet article n’est pas une ode au concours Miss France, qui est loin d’être sans défaut. Le réel problème n’est pas tant le concours en soi que les critères pour y participer. Une miss France doit avoir entre 18 et 24 ans, mesurer au moins 1m70, être née femme, ne pas avoir fait de chirurgie esthétique, ni réparatrice, ne pas avoir d’enfant, ne pas avoir de relation amoureuse connue, ne pas avoir posé sur des « photos suggestives » et ne pas être tatouées. Pour ce qui en est du poids des candidates, celui-ci n’est pas un critère, cependant Miss France 2019, Vaimalama Chaves, était la première gagnante à dépasser la taille 36. Les femmes sont sous-représentées à la télévision, et celles qui ne rentrent pas dans les critères de beauté occidentaux sont absentes. Ce concours devrait promouvoir une beauté plus diverse, à l’image de la population, sans critères prédéfinis et non complexer les femmes qui ne se reconnaissent dans aucune des candidates. Que ce soit avant ou après le concours « la plus belle femme de France » doit avoir une image lisse et irréprochable. Miss France a un rôle de représentation qui lui impose certes une certaine image mais ce rôle devrait aussi lui permettre de pouvoir dire un mot plus haut que l’autre si elle le juge nécessaire. En plus de supprimer ces critères absurdes, le concours Miss France pourrait aussi laisser plus de place à la parole et à la personnalité des candidates. Enfin, pour donner plus de légitimité aux Miss France et les libérer de cette image superficielle et naïve, il faudrait aussi donner plus de visibilité à leurs homologues masculins Mister France car aujourd’hui les hommes aussi veulent être reconnus pour leur beauté et pas seulement pour leur capacité à courir derrière un ballon.
Le féminisme ne veut pas dire que la femme doit cesser toute activité considérée comme « féminine ». La femme émancipée n’aspire pas à être un homme elle veut seulement pouvoir faire ce qu’elle entend sans avoir à essuyer des critiques et jugements, qu’elle participe à une compétition de boxe ou de beauté.
Lili Auriat
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