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La France est-elle la patrie de l’Égalité ? - Maxime Alain Guenat

Dernière mise à jour : 10 déc. 2020

Ah l’Égalité ! En France, ce concept semble tenir une place singulière. Singulière car, qui ne combat pas pour l’Égalité ? Qui ne ronchonne pas parce qu’il n’a pas le droit à telle aide alors que son voisin a le droit à cette aide justement ? Alors oui, l’Égalité semble tenir une place plus importante dans nos vies que dans d’autres pays, d’où la question de savoir si la France est la patrie de l’Égalité. Avant toute chose il faut savoir de quoi l’on parle lorsque l’on évoque le terme d’égalité. L’égalité, si l’on en croit la plupart des dictionnaires, réside dans l’absence de toute discrimination, dans une situation égale sur le plan des droits. Là, vous devez vous dire merci Captain Obvious mais nous n'avons pas beaucoup avancé. Certes, mais un début de réponse existe dans cette définition et à y regarder de plus près l’idée d’une égalité de droit pour établir un système plus juste tant sur le plan social, économique ou juridique apparaît. Ainsi l’égalité permettrait de créer des situations qui sont justes. C’est là que l’idée de la France comme patrie de l’égalité peut naître.

Un rôle important en matière d’égalité naissant avec la Révolution


La notion d’égalité accolée à la France a, pendant longtemps, été antinomique. En effet, durant tout l’Ancien Régime, la France était divisée en trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers-état. Chacun de ces ordres ayant une mission particulière dans la société. Les uns priant pour le salut des âmes, les autres défendant par les armes celle-ci et la majorité nourrissant les deux autres ordres. A cette iniquité des tâches résumées très schématiquement s’attache une autre différence qui, elle, a beaucoup d’importance pour le sujet qui nous intéresse : l’inégalité juridique. En effet, sous l’Ancien Régime, selon l’ordre auquel vous apparteniez, une justice différente, ainsi que des peines différentes, pouvaient vous être infligées. La plus connue de ces différences résidant notamment dans l’application de la peine de mort. Alors que tout un arsenal très diversifié existait pour l’exécution de cette peine lorsque le condamné était issu du tiers-état (pendaison, roue, bûcher ou écartèlement) les nobles, eux, ne subissaient qu’une décapitation (à la hache ou à l’épée). Cette inégalité juridique connut un autre visage : l’inégalité face à l’impôt et la représentation de la société en trois ordres lors de la réunion des États Généraux notamment pour voter de nouveaux impôts.


C’est justement, avec la réunion des États généraux au printemps 1789 que la relation que la France entretient avec l’Égalité connaît une avancée importante. Face à l’hostilité du clergé et de la noblesse de consentir à des réformes fiscales qui les conduiraient à payer l’impôt et face au refus du roi d’adopter le vote par tête et non pas par ordre, les députés du Tier État finit par s’enfermer dans la salle du jeu de paume le 20 juin puis se proclament Assemblée Nationale. Finalement le 27 juin, le roi oblige les autres ordres à se joindre aux Tiers pour former l’Assemblée Nationale. Ainsi en cette fin juin 1789, une première victoire en faveur de l’égalité est franchie : une certaine forme d’égalité politique où chaque homme dispose d’une voix.

Un deuxième événement important se déroule en août 1789 et vient confirmer cette égalité entre les hommes : la nuit du 4 août 1789 avec l'abolition des privilèges. Cette abolition s’inscrit en réaction à la Grande peur de la fin juillet 1789, où les paysans brûlent et pillent les châteaux des nobles ainsi que les livres terriers. L'abolition des privilèges est ensuite confirmée par l’adoption de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen le 26 août qui proclame en son article premier que : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Ainsi à partir de ce jour l’égalité en droit français restera fondée sur ce principe et sera même confirmée par la suite par différentes lois. Il est important d'insister sur ce terme d’égalité entre les hommes, car les grandes oubliées de cette proclamation de l’égalité sont les femmes, qui bien qu’ayant le droit de monter à l’échafaud, n’ont pas le droit de monter à la tribune politique, comme le rapelle brillament Olympe de Gouges dans sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne.


Le XIXe siècle un combat pour l’égalité politique et l’apparition de revendication sociale


Le XIXe siècle et ses nombreux régimes politiques sont au cœur d’un double combat pour l’égalité. D’un côté il y a le combat pour une égalité politique réelle, de l’autre face à l’évolution sociétale liée à la Révolution industrielle de nouvelles idéologies apparaissent pour réclamer une égalité d’un nouveau type : l’égalité sociale, avec un meilleur partage des richesses.

Si on commence d’abord à s’intéresser à la question de l’égalité politique, on constatera un mouvement vers plus d’égalité politique. En effet, avec l’Empire, dans les plus petites communes, le conseil municipal est élu au suffrage censitaire selon le principe : “un homme une voix”. Sous la Restauration, le système d’élection de la Chambre des Députés des département se fait au suffrage censitaire très restreint. Ce cens, à la différence de ce qui se passait sous la Révolution, est très élevé mais permet à certain bourgeois de voter et donc d’avoir une égalité avec les nobles. Toutefois à la fin du mois de juillet 1830, Charles X retire certains impôts pour recalculer le cens électoral. Cette décision a pour effet d’augmenter le montant du cens mais aussi de supprimer le droit de vote à certains bourgeois hostiles aux idées réactionnaires du roi. Cette décision étant prise dans l’objectif de donner au roi une majorité stable à la Chambre. Cette augmentation subite du cens provoque la chute de Charles X et l’avènement de la Monarchie de Juillet qui conserve le cens comme moyen de contrôle de l’élection tout en l’abaissant. Cette baisse du cens renforce l’égalité entre les nobles et les bourgeois.

Cette égalité politique est ensuite renforcée en 1848 avec la proclamation du suffrage universel masculin.

Ce qui fait de la France le premier pays à proclamer cette égalité politique entre les hommes. Cette égalité de droit de vote s'accompagne de l’égalité dans le droit de se présenter aux élections. Cette proclamation par la IIe République de l’égalité politique n’étant jusqu’à nos jour plus remise en question à trois exceptions : la première concernant les femmes qui n’obtiennent le droit de vote que bien tardivement en 1944, la deuxièmes concernant les militaires qui perdent le droit de vote durant toute la IIIe République et la troisième et dernière exception concernant les peuples colonisés qui n’obtiennent ce droit qu'à la condition d’être des citoyens français, ce qui pour la très grande majorité leur sera refusé jusqu’en 1946. Ainsi à partir de 1848 tous citoyens français qu’il soit ouvrier, paysan ou bourgeois bénéficie du droit de vote et donc de l’égalité politique.


La seconde évolution d’importance au XIXe siècle en matière d’égalité est l’apparition d’idéologie prônant une égalité au niveau de la répartition des richesses. Ces idéologies prônent une distribution équilibrée des ressources entre d’une part ceux qui détiennent le capital et les ouvriers qui produisent des richesses mais n’en bénéficie pas. Ainsi parmi les différents courants idéologiques nous pouvons citer le marxisme, le proudhonisme ou encore l’anarchisme. Ces différentes théories ne trouvant à s’appliquer en France qu’une seule fois, lors de la Commune de Paris en 1871. Ainsi le XIXe siècle ne fait que poser les bases de l’égalité sociale.


Le XXe siècle : un combat continu pour l’égalité


Le combat pour l’égalité en France continue au cours du XXe siècle avec l’apparition de nouvelles revendications. Ainsi les ouvriers, inspirés par les idéologies socialistes et communistes, manifestent pour demander l’octroi de nouveaux droits sociaux permettant de rétablir une égalité entre les individus sur le plan social. En ce sens, les diverses revendications sociales visant à la diminution du temps de travail ou à l’octroi de congés payés permettent de rétablir une certaine égalité dans le sens où lorsque les ouvriers ne s’épuisent pas au travail ceux-ci peuvent se reposer et profiter de la vie comme peuvent le faire les grands patrons à loisir. Ces idées d’égalité inspirées par ces courants politiques aboutissant par exemple au développement des services publics à la française que ce soit au début du XXe siècle avec la création de bain/douche communaux ou à la Libération avec les différentes nationalisations. Les but de ces services publics étant de garantir un service égal à tous au niveau tarifaire en tout point du territoire et ceux même si le coût du service en lui-même est différent. Cette notion d’égalité étant d’ailleurs consacrée par le Conseil d’État en 1951 dans son célèbre arrêt “société des concerts du Conservatoire” du 9 mars 1951.

La seconde évolution importante du XXe siècle en matière d’égalité concerne les femmes qui obtiennent une reconnaissance très progressive et tardive de cette égalité. En effet, alors que certains pays reconnaissant le droit de vote aux femmes dès la fin du XIXe siècle ou pour nombre de démocraties à la fin de la Première Guerre mondiale, les femmes françaises doivent attendre l’ordonnance du 21 avril 1944 pour que celles-ci deviennent électrices et éligibles. Ainsi l’égalité politique en France n’a réellement lieu que près d’un siècle après la proclamation de l’égalité politique entre les hommes. Toutefois il faut attendre la révision constitutionnelle de 1999 pour que l’État puisse faire cette promotion de l’égalité Femme-Homme au niveau de la politique. Autre détail démontrant un retard dans l’égalité Homme-Femme l’abrogation en 1965 des dernières dispositions du code civile qui rendait la femme mariée incapable civilement, puis les années 1970 pour que la femme soit l’égale de son mari dans l’éducation parentale.


La fin du modèle Français de l’égalité ?


Avec toutes ces évolutions, il est nécessaire de se demander si la France est toujours la patrie de l’égalité ou du moins si elle propose un modèle d’égalité enviable par d'autres pays.

Il est clair que sur le plan des droits politiques malgré une longueur d’avance prise en 1848, le retard pris dans l’octroi du droit de vote des femmes tant dans l’octroi de ce droit que dans la mise en place d’instruments permettant de réaliser cette égalité pourrait décrédibiliser la France. Toutefois, au vu de la situation actuelle et des lois électorales, nous pouvons remarquer que l’égalité de représentation des femmes est presque aujourd’hui atteinte, y compris dans les organes consultatifs, à l’exception des postes les plus prestigieux ce qui est regrettable. L’égalité entre les sexes ayant fait de grand progrès ces dernières années, tant dans le domaine des droits sociaux, économiques que politiques. Toutefois l’égalité des sexes doit devenir un objectif à atteindre dans tous les domaines de manière rapide comme pu l’être l’égalité des droits au moment de la Révolution française entre les hommes et là seulement la France redeviendra un symbole d’égalité.

Autre point important, l’égalité des droits sociaux est aujourd’hui remise en cause tant pour des questions idéologiques que pour des raisons financières. Cette remise en cause peut être acceptable à la seule et unique condition que cette égalité sociale soit remplacée par une équité sociale visant à supprimer les inégalités et les discriminations existantes via de nouveaux mécanismes.


Si aujourd’hui la France n’est plus vraiment la patrie de l’égalité, cela s’explique aussi par le fait que cette égalité est devenue très diverse : là ou en 1789 elle ne s’exprimait que par l’égalité devant les lois pénales, l’égalité politique et l’égalité fiscale, aujourd’hui cette égalité englobe de nouvelle notion tel que l’égalité des chances, l’égalité des sexes, l’égalité des droits en fonction de l’orientation sexuel. La France adoptant suivant les sujets une position de pionnière en matière d’égalité comme avec la reconnaissance des unions homosexuelles ou une position de retard avec par exemple l’ouverture de la maternité pour toutes les femmes.

Bref, la diversification de l’égalité dans la notion d’égalité de droit range l’application d’une stricte égalité difficilement atteignable partout sur cette planète sauf à sacrifier l’égalité. Finalement c’est donc cette diversification de l’égalité qui fait perdre à la France ce rang de patrie de l’égalité mais aujourd’hui aucun pays ne peut réellement constituer un modèle parfait d’égalité en tout point même au prix du sacrifice de la liberté.


Maxime Alain Guenat



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