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Photo du rédacteurAlbert Controverses

La liberté d’expression et le « droit au blasphème » en France : à l’heure des procès des attentats.

Dernière mise à jour : 24 oct. 2020

Si vous aviez loupé le 11 septembre 2001, les frères Kouachi se sont portés

volontaires pour vous offrir un second round. Dans le genre horreur et atrocité, ils sont plutôt compétents.

Les attentats de janvier 2015 ne sont pas les premiers à avoir été perpétrés sur le

territoire français : rappelons-nous la vague d’attentat qui submerge la France entre 1995 et 1996 ou encore l’attaque de Mohammed Merah contre une école juive en 2012. Pourtant, nul attentat ni série d’attentats commis en France n’ont jamais autant ému la population : la couverture médiatique de la tragédie est sans précédent, pendant des semaines, les journaux télévisés du monde entier arborent le lacet noir, les mobilisations et les marches de soutien à la France ne désengorgent pas... C’est que nous avons été touchés dans le cœur.

La puissance symbolique que revêtent ces attentats est pour nous comparable à celle

des attaques du World Trade Center pour les étatsuniens. Ce n’est pas seulement le modèle occidental que les Frères Kouachi essaient ce jour-là d’abattre au fusil d’assaut, c’est quelque chose propre à notre identité française, quelque chose que l’Article 4 de la Déclaration de 1789 reconnaît être un « droit naturel » pour tous les citoyens, c’est un dû que nous n’avions jamais réellement questionné : c’est notre liberté d’expression.


Avec ces attentats donc, nous sommes contraints de nous interroger individuellement sur ce qui devrait être les limites de la liberté d’expression et plus précisément, sur les rapports qui unissent liberté d’expression et religion. Dans l’Article 4 de la DDHC, la liberté est définie de la manière suivante : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. ». A priori, dessiner une caricature de Mahomet ne spolie personne dans son droit à se rendre à la mosquée.

Le blasphème ne contrevient donc pas au droit des croyants, ni à leur liberté, et

respecte ainsi les limites fixées par l’Article 4. A l’Article 10, on trouve aussi : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. ».

A l’époque où a été écrite cette déclaration, ce sont les croyants que l’on cherche à protéger de potentielles représailles liées à leur foi ; aujourd’hui, et dans le contexte où nous sommes, les athées eux aussi sont concernés par cet article. Au vu de ce qui est strictement inscrit dans la DDHC donc, le blasphème ne contrevient ni à la liberté individuelle, ni à la Loi, tant qu’il ne vient pas troubler l’ordre public.



Cependant, suffit-il que quelque chose ne soit pas interdit par nos textes de loi pour

que nous nous sentions obligés de l’accepter ? Ce serait abdiquer notre liberté de jugement individuelle. A bien y réfléchir, le blasphème, qui n’a aucune valeur pour les athées, en a beaucoup pour les croyants, et c’est délibérément vouloir les blesser que d’insulter ce en quoi ils croient le plus, un acte de pure méchanceté. Sans être un trouble à l’ordre public, le blasphème encourage la rupture entre les croyants et les athées, la dissociété. La France est un pays laïc et en ce sens, toutes les croyances, religieuses ou athées, devraient pouvoir cohabiter ensemble, dans le respect mutuel. Or quand Mila dit : « Votre Dieu, je lui mets un

doigt dans le trou du cul. », c’est une profonde irrévérence qu’elle à l’égard de la

communauté musulmane. Car, in fine, ce n’est jamais tant un dieu ou une religion qui sont insultés par un blasphème, qu’une communauté de croyants.

Alors bien entendu, il faut veiller à ne pas utiliser l’appellation de blasphème à tort et

à travers, sinon nous aurions tôt fait de nous transformer en Gardiens de la Révolution. La limite entre blasphème irrévérencieux envers une communauté, et simple opinion négative sur une religion ou sur la foi, le bon sens peut se charger de la fixer.

Si le blasphème ne semble donc pas contraire aux droits et libertés que nous accorde la loi, il importe de ne pas oublier son caractère profondément irrévérencieux. Il ressort de notre responsabilité individuelle de comprendre les enjeux qui entourent ce « droit au blasphème » : plus que de la liberté d’expression, c’est de la possibilité de faire société ensemble et durablement dont il est ici question...


Victoria Soriano

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