Le 5 août 2016, dans les Bouches-du-Rhône, une association souhaite louer le parc aquatique « Speedwater Park » pour une journée en septembre, afin que la baignade en burkini y soit autorisée. L’initiative provoque un scandale et la journée est annulée.
Le 20 août dernier 2020, sur une plage de Sainte-Marie-la-Mer dans les Pyrénées-Orientales, deux gendarmes demandent à un groupe de femmes qui bronzent seins nus de bien vouloir couvrir leur poitrine. Assimilé à un remake moderne du « Gendarme de Saint-Tropez », cet acte contribue à remettre sur le devant de la scène le débat autour du topless.
Le port du burkini et le topless, deux pratiques qui semblent relativement opposées et qui pourtant, suscitent un même débat. Un débat centré autour de la liberté vestimentaire et du droit des femmes de disposer de leur corps comme bon leur semble.
Alors faire du topless et porter un burkini, même combat ? Si l’on s’en tenait à la vision du poète Boiste, les choses seraient très simples : « Les lois doivent être appliquées, non interprétées ». Au niveau légal, aucune règle ou loi n’interdit aucune des deux pratiques. L’article 222-32 du Code Pénal relatif au délit d’exhibition sexuelle, ne concerne plus depuis longtemps le simple fait de bronzer seins nus sur une plage.
D’autre part, aucune législation n’a jamais été mise en place en droit français concernant le port du burkini, celui-ci ne couvrant pas le visage de la personne qui le porte et n’entrant donc pas dans le champ de la loi de 2011 qui prohibe le port du voile intégral.
Mais le débat ne s’arrête pas là. Un facteur moral entre en jeu : ce qui devrait être acceptable dans la société française ou non. Et c’est là que les choses se compliquent légèrement et que les idées commencent à diverger quelque peu. Bien que dans les deux cas, il s’agit de lutter pour la libération du corps de la femme, les deux pratiques impliquent des enjeux sociétaux différents. La question du topless renvoie à la sexualisation du corps de la femme, mais le débat autour du burkini va bien plus loin et remet en question des principes français fondamentaux, notamment celui de la laïcité.
En effet, la plupart des opposants au port du burkini ou même du voile, prône le fait que cette pratique est contraire aux valeurs républicaines et à la laïcité. Le port du burkini étant un signe distinct d’appartenance à une religion, il constituerait donc une atteinte au principe de laïcité qui imposerait un principe de neutralité religieuse dans l’espace publique. La plage étant un espace public, l’argument serait donc de dire que le port du burkini participe à « l’islamisation du paysage politique », ce qui porterait atteinte aux fondements républicains.
Cependant, cette vision de la laïcité est en réalité une interprétation du principe tel qu’il est énoncé dans les textes. La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 qui a légiféré sur le principe de laïcité et de sécularisation de l’Etat suppose que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ». Ce sont donc les interprétations successives des différentes personnalités qui ont pensé la laïcité en France qui amènent la société à voir le port du burkini comme une atteinte au principe de laïcité. Cette pratique ne représente en France aucune atteinte à l’ordre public tel que décrit par le Conseil Constitutionnel dans ses nombreuses décisions, c’est à dire le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité politique. La seule limite à la liberté vestimentaire, et au droit des
femmes de disposer de leur corps comme bon leur semble, est donc une atteinte à une autre liberté - « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » - ce qui n’est pas le cas pour le port du burkini. Il en va de même pour le topless. Cette pratique ne porte ni atteinte à l’ordre public (du moment qu’elle ne concerne que la plage, ce qui est le cas), ni aux libertés d’autrui. Ce qui nous ramène donc toujours au même combat, celui de laisser aux femmes la décision de faire ce qu’elles veulent de leur corps. Une femme trop couverte est aussi souvent critiquée qu’une femme qui ne l’est pas assez. Ainsi quelles que soient les décisions prises par les femmes concernant leur corps, si elles dérogent légèrement de ce que la société considère comme « correct », cela déplait. Lutter pour le droit des femmes, c’est arrêter de les forcer à se conformer à cette vision étroite de ce qu’elles devraient être : elles devraient donc pouvoir aussi bien faire le choix de montrer leur corps que de le cacher, quelles que soient les raisons.
Justine Flant et Louna Rubon
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