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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Portrait: Mort de Valéry Giscard d’Estaing, le président méconnu - Antoine Desmidt


Le 27 mai 1974, la France rencontre son nouveau président. À 48 ans, Valéry Giscard d’Estaing devient le plus jeune Président de la République depuis 1848 - jusqu’à l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Celui qui s'inspira de la communication des campagnes électorales américaines dont celle de John F. Kennedy, était considéré bien au-delà de son propre camp politique comme un surdoué. Néanmoins, au fil de son unique septennat, l’image du jeune président prodigieux s'est effritée au profit de celle d’un monarque présidentiel égotique. Après la victoire de François Mitterrand en 1981, il sort du Palais de l’Elysée, à pied comme à son arrivée, non plus sous les applaudissements mais sous les huées des français. Valéry Giscard d'Estaing est mort le 2 décembre 2020. Retour sur la carrière politique d’un modernisateur incompris.

Après une classe préparatoire au lycée Janson de Sailly et Louis-le-Grand, Valéry Giscard d’Estaing s’engage dans la Libération au sein de la Première armée du Général Jean de Lattre de Tassigny. Après huit mois de combat en Allemagne et Autriche, il est décoré de la Croix de guerre 1939-1945. En 1946, il intègre l’École Polytechnique puis l'École nationale d'administration - promotion Europe - en 1949. A sa sortie, il devient inspecteur général des Finances et commence sa carrière politique dans les cabinets ministériels. Après un bref passage en 1954 au cabinet d’Edgar Faure - président du Conseil - le jeune haut fonctionnaire est nommé par le Général de Gaulle en 1962 ministre des Finances. C’est au sein des Gouvernements de Georges Pompidou qu’il va se faire connaître du grand public. Il crée en 1966 une nouvelle formation politique, les républicains indépendants. Pour s’émanciper de la "vieille" garde gaulliste, V. Giscard d’Estaing n’appelle pas à voter “oui” au référendum de 1969 sur la régionalisation. Cette décision a eu pour conséquence la victoire du “non” et par ricochet la démission de Charles de Gaulle. Les Républicains indépendants deviennent une force politique de première importance au sein de la majorité gaulliste lors de la présidence de Georges Pompidou (1969-1974). La mort soudaine du président en 1974 laisse les gaullistes de l’UDR (Union des démocrates pour la République) sans perspective.


Valéry Giscard d’Estaing profite de la maladresse de Jacques Chaban-Delmas – qui se déclare candidat UDR le lendemain de la mort de Pompidou – pour proposer une alternative au gaullisme qui gouverne depuis 1958. Il lance sa campagne au pas de charge, en moins de trois mois, il parvient à lancer son parti dans la course. Avec l’aide de Jacques Chirac, il lance l’appel des “43” pour 1/2 décrédibiliser la candidature de Chaban-Delmas. Il se forge une image d’homme politique moderne en s’inspirant des campagnes électorales américaines. Comme John F. Kennedy, il aime se faire appeler par ses initiales – VGE. Pour illustrer son affiche de campagne, il décide de poser avec sa fille Jacinthe dans les jardins du parc des Tuileries. Surtout pour se rapprocher de la jeunesse française, il n’hésite pas à demander à des “stars” de l’époque - Charles Aznavour, Johnny Hallyday, Claude François - de faire les premières parties de ses meetings. Entouré de ces célébrités, il tente de décrédibiliser la candidature de ses deux adversaires : François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas, qu’il juge issus du “passé”. VGE est le premier à montrer son quotidien à la télévision. Le candidat centriste a d’ailleurs missionné le photographe Raymond Depardon pour le suivre tout au long de la campagne et créer des films promotionnels à son effigie. Il filme ainsi VGE jouant au tennis, au football et s’essayant au ski.

Après trois mois de campagne électorale, le jeune candidat moderne remporte l’élection avec 50,81% des suffrages. Le président élu veut marquer la rupture avec ses prédécesseurs dès son entrée en fonction. Oublié le costume de grand maître de la légion d’honneur pour le portrait officiel, VGE en costume de ville veut se montrer en phase avec son temps. Sa politique est guidée par la même idée. Lui qui veut être le chantre d’une “société française libérale avancée” mène dans les premières années de son mandat de nombreuses réformes sociales d’envergure. Il abaisse la majorité civile électorale de 21 à 18 ans. Il éclate le monopole de l’ORTF (office de radiodiffusion-télévision française). Il nomme plusieurs femmes à des postes ministériels. Simone Veil devient ainsi ministre de la Santé, c’est elle qui défendra la dépénalisation de l’avortement, encadrant l’Interruption volontaire de grossesse. La crise économique causée par les deux chocs pétroliers successifs de 1973 et 1979, marque la fin des “trente glorieuses” et installe le chômage de masse durablement en France. La mauvaise conjoncture économique et la politique d’austérité menée par le Premier ministre Raymond Barre affaiblissent la popularité de VGE. Sur le plan politique, la démission de Jacques Chirac de Matignon et la création d’un nouveau parti de droite : le RPR (Rassemblement pour la République) rendent la gouvernance giscardienne plus difficile. Jacques Chirac devient un adversaire fratricide. Il critique le faste des dîners d’Etat et le protocole si cher au président. Du président moderne, il devient le monarque présidentiel aux yeux de l’opinion.


L’affaire des diamants de Bokassa efface indubitablement les chances de réélection de Valéry Giscard d’Estaing. Au second tour de l’élection présidentielle de 1981 c’est la gauche qui l'emporte, marquant ainsi la première véritable alternance politique de la cinquième République. VGE ne se remettra pas de sa défaite et essaiera de revenir plusieurs fois, en vain.


Antoine Desmidt



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