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  • Photo du rédacteurAlbert Controverses

Protection de la vie privée, liberté de choix : Nos droits et devoirs à l’ère du tout numérique

Dernière mise à jour : 24 oct. 2020

Cookies, empreintes numériques, « fingerprinting »… : si ces mots nous semblent aujourd’hui familiers, peu comprennent réellement le fonctionnement de ces mécanismes et surtout ce qu’ils signifient concrètement dans le traitement de nos données. Et c’est bien là le problème : les technologies du numérique se développent de manière exponentielle, de telle sorte qu’il est impossible à tout un chacun de s’y retrouver pour pouvoir (tenter de) se protéger. Le but de cet article n’est pas de discuter le risque d’une dérive abusive d’utilisation de données dans un pays autoritaire, comme on peut le constater en Chine par exemple. Il est clair que dans ces cas extrêmes, mais réels, les individus n’ont plus aucune liberté, qu’ils sont partout fichés, tracés et analysés, dans un scénario qui s’apparente et semble même dépasser le cadre envisagé dans la fameuse dystopie de George Orwell, 1984. Mais dans nos démocraties, qui elles revendiquent leurs ambitions de liberté des individus, nous laissons aussi des traces numériques, qu’elles soient volontaires ou non.

La question de la liberté de choix est celle qui a le plus préoccupé les politiques européennes en termes de protection des données numériques. A défaut de pouvoir contraindre efficacement les grands GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) à des réformes de leurs politiques de recueil de données, il s’agit d’imposer plus de transparence.


Les citoyens européens doivent être conscients de ce qu’ils acceptent en utilisant les outils du numérique. C’est notamment en ce sens qu’a été publié le règlement général sur la protection des données (RGPD) du Parlement européen et du Conseil en 2016. Désormais dès que nous ouvrons une nouvelle page internet une fenêtre s’affiche nous demandant d’accepter les cookies pour pouvoir continuer à visiter le site. Sur certains sites, il est même possible de bloquer certains cookies. Cette réglementation a pour effet positif de pouvoir être conscient du nombre de données collectées, qui questionnent parfois. Pourquoi veut-on savoir ma géolocalisation ? Pourquoi ce dictionnaire franco-allemand me demande-t-il s’il peut « créer un profil pour afficher un contenu personnalisé » ? Pourquoi les réseaux sociaux doivent-ils être au courant de ma navigation sur un autre site ?

Très souvent, la réponse est très bête : C’est en collectant des données, et en créant des « profils » sur internet que les sites et moteurs de recherches gagnent de l’argent, beaucoup d’argent, grâce à la publicité ciblée et à la revente d’informations personnelles. Si vous avez

cherché récemment à acheter un ordinateur sur Darty, il ne faut pas s’étonner de voir apparaître une publicité pour les ordinateurs sur lesquels vous avez cliqué, mais d’une autre entreprise d’électroménager. Et il est évident qu’il y a plus de probabilité que vous cliquiez

sur cette publicité que sur une publicité de serviettes hygiéniques, surtout s’il s’avère que vous êtes un homme. Donc, plus de bénéfices. Internet est en effet un service gratuit. C’est quelque chose dont on a difficilement conscience : le budget « numérique » des ménages est très important. En 2016, les français ont dépensé en moyenne 1092€ par an pour les abonnements (téléphonie, internet etc.), auquel il faut rajouter 416€ par an pour l’acquisition de matériel (ordinateurs etc.), d’après le site labo.societenumerique.gouv. Ces budgets étant en hausse par rapport aux années précédentes. Mais lorsque l’on paie un « abonnement internet », on ne paie pas internet, mais le fait que certaines entreprises (Orange, SFR…) nous fassent parvenir le réseau jusqu’à chez nous. Les Youtubeurs, ou les auteurs de pages internet ne sont pas rémunérés avec ces abonnements.



Y aurait-t-il là une solution ? Rémunérer « internet » en échange d’une complète liberté de navigation ? On retrouve cette idée sur Wikipédia. Ce site s’appuie sur des dons d’utilisateurs afin de ne pas à avoir à utiliser de publicités, et revendique n’utiliser que des cookies « non-personnels » c’est-à-dire des statistiques générales sur l’utilisation de leurs pages, qui ne sont pas reliées à un « profil » de l’utilisateur. Il n’y a également pas d’obligation de création d’un compte pour pouvoir y contribuer.

Mais cette idée se heurte à plusieurs problèmes. Déjà, il n’est pas certain et même plutôt incertain que les ménages soient prêts à débourser encore plus d’argent. Ensuite, qui devrait-on rémunérer ? Les navigateurs de recherches, qui redistriburaient l’argent aux sites

les plus « vus », un peu comme on le retrouve sur YouTube ? Cela suggérerait également que certains sites comme les sites pornographiques pourraient être rémunérés, on peut facilement s’imaginer que certains soient contre. Cette piste semble pour toutes ces raisons un peu irréelle, mais elle porte à réflexion.


Il y a cependant une autre question importante, dont la réponse positive a été prise comme évidence jusqu’ici mais qui est loin d’en être une. Les utilisateurs veulent-ils protéger leurs données ? Dans l’absolu, certainement oui. Mais qui n’a jamais posté une photo visible par

tous sur un réseau social, ou « liké » du contenu ? Et les navigateurs de recherche et sites internet ne sont pas les seuls à pouvoir traquer nos préférences et faits et gestes. Le scandale Snowden a démontré que la NSA regardait impunément les réseaux sociaux, même le contenu censé être réservé aux « amis » et proches. Dans ce cas-là l’opinion publique a été choquée d’une telle intrusion injustifiée, mais sans aller dans cette dérive qui pourrait être qualifiée d’illégale, on peut se pencher sur un débat récent en France. En novembre 2019 l’Assemblée Générale a adopté l’article 57 du projet de loi de finance pour 2020, malgré les réticences de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Il vise à vérifier les déclarations faites aux impôts par une personne en regardant les photos qu’elle met en ligne publiquement en partant de l’idée qu’on ne peut pas gagner le smic et passer son temps en bikini sur un yacht. Personne ne niera cela, c’est une atteinte claire à la vie privée,vmais la personne a décidé de poster son intimité et de la rendre ainsi « publique » : Tout le monde y a accès librement d’un simple clic. S’agit-il alors d’une intrusion si c’est un choix volontaire ?


Il y a également une autre pratique qui se répand de plus en plus et qui en devient

« normale » : « stalker », soit, pour les moins à jour d’entre nous, espionner quelqu’un sur les réseaux sociaux pour en apprendre plus sur lui. Il peut s’agir d’une personnalité connue, d’une personne de sa promo à la fac ou de son chef au travail. Lorsque l’on publie du

contenu, on ne pense certainement pas à cela. D’autant plus qu’il semble « normal » de s’afficher, on pourrait même dire que cela fait partie du processus d’intégration chez les jeunes : montrer que l’on a des amis, que l’on fait parfois la fête, et qu’on réussit toujoursvparfaitement son masque à l’argile.

Car ne pas avoir un seul réseau social semble assez illusoire de nos jours. En tant que sciences pistes, tous les groupes de promotions, les groupes des associations, les événements passent par les réseaux sociaux. C’est probablement là le point le plus problématique. Certes, grâce au RGPD dont il a été question plus haut, on a la possibilité de voir quelles données sont utilisées et dans quel but. Mais à quoi bon, si on est tout de même « obligé » de les accepter ? Et puis, sauf quelques individus vraiment soucieux de ne pas laisser de trace, qui peut lire, dès qu’il ouvre une page internet, toutes les conditions de cookies, cocher tous les « refuser », et trouver un autre site si les conditions ne lui conviennent pas ? Personne n’a l’énergie, le courage ni le temps de faire ça. Peut-on alors parler de liberté de choix ? La liberté de choix est d’autant plus empiétée par la « normalisation » des comportements voyeuristes sur internet. Demander l’accord d’une personne avant de prendre ou de poster une photo où elle apparaît ne se retrouve presque plus que dans l’administration française, cela devrait pourtant être un automatisme, car il s’agit d’un droit fondamental que de pouvoir disposer de son image. Ce comportement semble d’autant plus anodin que sur certains réseaux, les photos sont visibles uniquement quelques secondes, comme sur Snapchat, ou désormais WhatsApp. Outre le fait qu’il semble illusoire que ces photos disparaissent définitivement de tout ce réseau incroyable d’internet, cela ne constitue en rien une acceptation. C’est quelque chose qui tend de plus en plus à être négligé mais à laquelle il faut porter attention.


Nous sommes aujourd’hui empêtrés dans le monde du numérique, nous utilisons des

machines que nous ne comprenons pas. Si on veut pouvoir être maître de sa vie privée, cela doit passer par des réformes politiques, dans un cadre global européen, et par un changement de comportement pour plus de respect envers la liberté des autres, et nos propres libertés.Cela demande une certaine connaissance et une certaine recherche, mais c’est essentiel. Se renseigner sur les applications réputées « sûres », réfléchir avant de poster une photo, ne pas se laisser prendre par le côté ludique qu’offrent le numérique et les applications. Cet article s’arrêtera donc sur une citation d’Edward Snowden : « Le travail d’une génération commence ici ».


Maelys Lavabre

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